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PLF/Droits de douane: 3 questions à l’expert Abdelaziz Arji

Casablanca – En 2021, une série d’augmentations des droits de douanes devrait être appliquée à diverses catégories de produits. Ces nouvelles mesures, telles que annoncées par le Projet de loi de finances (PLF) pour l’année à venir, devraient doper les recettes douanières du Maroc.

En outre, cette augmentation des tarifs des droits d’importation, vient à point nommée, puisqu’elle vise également à protéger la production locale de certains produits et à renforcer leur compétitivité et soutenir, in fine, une économie fragilisée par la crise liée à la pandémie de Covid-19.

Dans une interview accordée à la MAP, Abdelaziz Arji, expert-comptable, auditeur et commissaire aux comptes, estime que la pandémie a eu l’effet d’un électrochoc qui mène le Maroc à recourir à des mesures drastiques, comme une hausse des droits de douane, notant que les effets à court terme seront ressentis par le citoyen à travers une hausse des prix.

Cependant, il est question aujourd’hui d’encourager cette mise à niveau en freinant certains produits qui peuvent être confectionnés localement, ajoute M. Arji, également président de la Commission appui aux entreprises de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) et fondateur du cabinet Eurodefi-Audit.

1- Le PLF-2021 propose une série d’augmentation des droits d’importation. Quelles en sont les mesures phares ?

Les réductions douanières prévues pour 2021 dans le Projet de loi de finances sont réduites à quelques produits, dont un médicament la “Cyclosérine”, les pneumatiques pour engins et le fuel oïl récupéré.

– La Cyclosérine (antibiotique antituberculeux) : 2,5% au lieu de 40%.

– Pneumatiques (autobus, camions, tracteurs routiers, véhicules et engins agricoles, engins de génie civil) : 17,5% au lieu de 40%.

– Réduction de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur le fuel oïl récupéré : 18,24 DH/100Kg au lieu de 81,58 DH/100 Kg.

Les produits pour lesquels les droits de douane ont augmenté sont notamment :

– Fibre de rembourrage en polyester : 17,5% au lieu de 2,5%.

– Cartouches Toner : 17,5% au lieu de 2,5%.

– Certains tissus d’ameublement : 40% au lieu de 17,5%.

– Chocolat et cacao : 40% au lieu de 17,5%.

– Rétablissement de la TIC sur les pneumatiques : 3DH/Kg.

– Étoffes de bonneterie : 40% au lieu de 10%.

– Parasols, parapluies et ombrelles : 40% au lieu de 2,5%.

– Marchandises réimportées ayant acquis l’origine marocaine après leur transformation sous régime économique en douane : 2,5%.

– Importation de marchandises prohibées : amende de 3.000 à 30.000 dirhams.

2- Quelle est la portée d’une augmentation des droits d’importation sur l’économie marocaine ?

Le protectionnisme est un réflexe naturel des états en période de crise. Il se manifeste par l’édification de barrières douanières dans le but à la fois de protéger la production nationale, mais également de rapporter des ressources au budget de l’Etat. D’autres mesures dites non tarifaires dont les quotas d’importation ou l’imposition de normes permettent de réduire drastiquement les importations.

Le Maroc n’est pas en reste en cette période de pandémie. La liste des produits pour lesquels les droits de douane ont augmentée est longue.

Ces mesures sont venues s’ajouter à l’amendement de l’Accord de libre échange avec la Turquie qui a rétabli les droits de douane à hauteur de 90% du droit commun sur plus de 1.200 produits.

Il est certain que le plan économique qui se profile ne ressemblera à aucun autre en raison des conséquences de la pandémie. Cette dernière a eu l’effet d’un électrochoc qui mène le Maroc à se faire violence à travers des mesures drastiques comme une hausse des droits de douane. Les effets à court terme seront ressentis par le citoyen à travers une hausse des prix. Mais c’est le prix à payer pour garantir aux générations futures une indépendance tant convoitée.

3- Vous avez évoqué “protection de la production nationale”, quels en sont les enjeux pour l’économie du Maroc ?

Le Marché marocain a été habitué à la facilité par l’importation des moindres articles des utiles aux plus futiles.

Toutefois, depuis mars 2020, date du confinement en raison de la Covid-19, le Maroc semble prendre conscience de la nécessité de reconquérir quelques positions industrielles perdues par notre pays. Les contraintes médicales d’une part et une volonté de rétablir une souveraineté sur certains produits vitaux d’autre part, ont incité nos décideurs à encourager la production nationale.

C’est ainsi que le ministère du Commerce et de l’industrie a mis sur pied une stratégie de reconquête qui part du constat que les pays qui méritent le qualificatif “d’émergent” durant les dernières décennies ont plutôt misé sur le développement de leur secteur industriel.

Si les Plans Émergence de 2005 à 2020 ont tous eu pour but d’attirer les entreprises étrangères, il est temps dans le plan futur d’encourager l’entrepreneuriat local.

Force est de constater aujourd’hui que la mise à niveau qui avait été claironnée avant la signature des Accords de libre échange n’a pas été menée comme il se devait. Il est question aujourd’hui d’encourager cette mise à niveau en freinant certains produits qui peuvent être confectionnés localement.

A cet effet, le ministère du Commerce et de l’industrie met en avant le Plan de relance Industrielle 2021-2023, lequel s’appuie sur cinq axes majeurs :

– Mettre à niveau les unités industrielles locales et favoriser leur intégration dans le but de générer de l’emploi et monter dans l’échelle de valeur.

– Encourager les entrepreneurs qui souhaitent se lancer dans l’industrie plutôt que dans des activités de rente à rentabilité rapide.

– Monter dans la chaine de valeur afin d’intéresser plus de clients internationaux dans le but de nouer des partenariats stratégiques.

– Garder la position du Maroc en tant que partenaire privilégié avec l’Europe en répondant à ses exigences de décarbonation de notre production nationale.

– Passer d’une industrie d’application à une industrie d’innovation capable de développer un savoir-faire local.

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