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Bourses/Monétisation des données: Interview avec Selloua Chakri

Casablanca – Selloua Chakri, Managing Director de SCL Advisory Limited, un cabinet de conseil stratégique axé sur le développement des marchés des capitaux ainsi que sur la fourniture de services de données à diverses institutions, revient dans une interview à la MAP sur le succès de son cabinet à l’échelle du continent et au-delà et sur l’importance de la monétisation des données, notamment pour les marchés financiers africains:

1- Après la Bourse de Nairobi, SCL Advisory Limited a été choisi par plusieurs autres places financières en Afrique mais aussi jusqu’à très récemment en Asie pour diriger leur stratégie de monétisation des données. Pouvez-vous nous présenter votre cabinet ? Et comment s’explique ce succès à l’échelle du continent et au-delà ?

SCL Advisory Limited (SCL Advisory) est un cabinet de conseil stratégique axée sur le développement et la monétisation de données ainsi qu’aux développement des marchés des capitaux dans les pays émergents et pays frontières. Le succès de SCL Advisory demeure dans l’expertise de ses consultants qui ont passé de nombreuses années à travailler avec les plus grands fournisseurs de technologies et d’informations financières au monde, ainsi qu’avec les bourses, les chambres de compensations et les dépositaires de différentes tailles en Europe, Afrique et au Moyen-Orient.

SCL Advisory aide également les investisseurs mondiaux à identifier avec succès les opportunités d’investissement en Afrique. Notre succès est en grande partie dû à notre expertise approfondie du secteur des marchés financiers ainsi qu’à nos connaissances spécialisées en data stratégie et en monétisation des données, associées à une compréhension approfondie du continent dans son ensemble mais aussi du fonctionnement qui façonnent chaque marché qui peut différer considérablement d’un pays à l’autre – nous disposons également d’un solide réseau dans l’écosystème des marchés des capitaux au niveau régional et international et sommes reconnus comme expert de premier plan dans le domaine du développement des marchés des capitaux depuis plusieurs années maintenant.

2- En quoi consiste concrètement votre partenariat ?

Notre objectif est de soutenir les bourses dans leurs initiatives liées à la data qui peuvent inclure la mise en œuvre d’une data stratégie, la revue et l’amélioration de l’offre existante, l’identification de nouveaux produits et de nouvelles données à monétiser, l’évaluation et la mises à niveau de leur technologie et connectivité, mais aussi sensibiliser les investisseurs régionaux et internationaux à l’attractivité de leurs marchés, leur fournir une analyses comparative de leur industrie et d’autres services sur mesure.

3- Depuis quelques années, on assiste à un bouleversement des places financières internationales qui investissent dans les données (le concept de Data Monetization qui gagne en popularité). Quel intérêt pour ces bourses, notamment africaines ? et quelles perspectives pour ce marché ?

Les données sont l’essence de tout marché, personne ne peut prendre de position sur le marché sans des données fiables, précises et opportunes, elles aident par exemple les professionnels financiers tels que les traders ou les gestionnaires de portefeuille à prendre des décisions d’investissement éclairées, les données sont également essentielles pour les professionnels du middle et back-office pour les aider à une gestion efficace des risques, à l’évaluation de portefeuille et à la conformité réglementaire par exemple.

Les bourses sont au cœur de l’écosystème des marchés financiers, quelle que soit la taille ou l’emplacement géographique de ces marchés, les bourses sont extrêmement bien placées pour jouer un rôle plus important en fournissant aux investisseurs et autres utilisateurs des informations intelligentes et en tirant parti du besoin croissant des bourses d’établir d’autres sources de revenus durables. Ceci dit, les données et les analyses sont essentielles pour tout marché financier mais pourquoi sont-elles aussi importantes pour les marchés africains à mon avis, il y a deux raisons clés:

– De meilleures données et un accès rapide aux données signifie des investisseurs plus informés, ce qui signifie plus d’investissements et nous voulons voir plus d’investissements vers l’Afrique et voir les marchés financiers africains se développer;

– En même temps, nous voulons voir les bourses africaines prendre le contrôle de leurs propres données, en tirer de la valeur pour stimuler la croissance et maximiser le potentiel de revenus de ces données pour elles-mêmes mais aussi au profit de leur propre marché.

Le potentiel est énorme pour les bourses africaines de jouer un plus grand rôle dans la fourniture de données, qu’il s’agisse de données de marché et d’analyses ou de données alternatives pour les professionnels de la finance et autres utilisateurs aux niveaux régional et mondial et nous sommes ravis d’être en position de les aider dans ces efforts.

La data stratégie doit être au cœur de toute institution non seulement les bourses, mais aussi pour les émetteurs qui sont en grande partie assis sur des données dormantes et pourraient générer du contenu utile pour eux-mêmes et pour leurs clients. Les institutions qui adoptent une stratégie axée sur la data pourront sans aucun doute acquérir un avantage concurrentiel et contribuer à une amélioration de leur potentiel de croissance. À ce titre, nous travaillons également avec des institutions opérant dans des secteurs autres que financiers.

4- Comment voyez vous l’évolution et le développement des marchés financiers africains ? Et quel rôle dans le soutien de l’expansion économique dans leurs pays ?

En Afrique, nous avons certains marchés financiers qui sont bien développés et d’autres qui le sont beaucoup moins, de sorte que l’écart et le niveau de sophistication d’un marché à un autre sont énormes, cependant, on peut dire de même d’autres régions comme l’Amérique Latine. Pour les marchés financiers africains qui se situent au milieu et au bas de l’échelle en termes de développement, la liquidité sur ces marchés reste le défi majeur qui freine la croissance.

Ces marchés financiers continuent de travailler pour résoudre ce problème majeur de liquidité qui nécessite des efforts de tous les acteurs du marchés financiers non seulement des bourses, mais aussi les régulateurs, les organismes gouvernementaux, les émetteurs et les investisseurs. Les efforts vont être axés entre autres sur le développement et le lancement de de nouveaux produits financiers, la diversification de la base d’investisseurs, l’automatisation et l’amélioration des technologies utilisées, l’intégration de différents marchés et, surtout, une plus grande divulgation d’information et une plus grande transparence qui conduiront à accroître l’attractivité pour ces marchés et, à terme, amélioreront la liquidité. Pour les marchés financiers africains qui sont déjà bien développés, ils continueront de se concentrer sur leur compétitivité, d’attirer un plus grand nombre de participants, de s’aligner sur les normes et standards internationaux, d’adopter de nouvelles technologies, tout en explorant d’autres domaines de croissance et de développement durable.

Pour le moment, les marchés financiers africains sont pour la grande majorité relativement petits par rapport à la taille de leur économie, leur capitalisation boursière est en moyenne beaucoup moins de 50% du PIB de leur pays (à l’exception de certaines bourses comme la JSE et la Bourse de Casablanca par exemple). Ceci pose des défis mais aussi des opportunités d’expansion.

En effet, pour la grande majorité des pays africains, les bourses continueront de soutenir la croissance économique de leurs pays respectifs en attirant les entreprises vers une introduction boursière afin qu’elles puissent financer leur développement et les aider à s’accroître plus rapidement. Ceci n’est pas toujours une tâche facile pour les bourses mais elles devront continuer à persévérer et devront aussi continuer d’éduquer les grandes entreprises privées ainsi que les PME sur les avantages qu’une introduction en bourse présente tout en répondant aux réticences.

Les opportunités de développement se présentent aussi au niveau du marché obligataire qui est encore sous-développé dans la plupart des marchés africains où l’émission d’obligations est fortement dominée par les États et organisations gouvernementales. Le continent verra davantage d’émissions d’obligations d’Etat et de société, avec un intérêt croissant des investisseurs pour les produits de finance islamique tels que les Sukuk mais aussi d’autres produits comme les green bonds.

5- La Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf), attendue depuis des années, est entrée officiellement en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Quid de l’intégration des marchés financiers sur le continent?

L’Accord de libre-échange continental africain est une excellente nouvelle pour favoriser l’intégration des marchés africains et accroître les échanges transfrontaliers. Du point de vue de l’intégration financière, de multiples initiatives ont déjà été entamées au niveau des sous-régions tel que la CEDEAO avec le WACMIC (West Africain Capital Market Integration Council), East African Community avec le CMI (Capital Market Infrastructure), SADC avec le CoSSE (Committee of SADC Stock Exchanges) ainsi qu’une initiative menée par les bourses africaines elles-mêmes et nommé l’AELP (African Exchanges Linkages Project).

Un marché boursier bien intégré peut contribuer à l’approfondissement et l’élargissement du processus d’intégration économique en Afrique; cela favorisera, entre autres, la circulation des capitaux à travers le continent africain, augmentera les opportunités d’investissement, encouragera de meilleures conditions de financement pour les entreprises, et augmentera l’attractivité de l’Afrique envers les investisseurs locaux et internationaux.

Ceci permettra aussi aux bourses africaines d’améliorer la liquidité sur leur marché grâce à une plus grande intégration, un défi majeur comme mentionné précédemment. Il serait également plus facile pour les investisseurs institutionnels étrangers d’investir dans des marchés africains intégrés plutôt que “fragmentés”. Cela dit, le succès dépend de la bonne mise en œuvre du plan d’intégration des places financières et ceci nécessite aussi l’engagement de l’ensemble de l’écosystème afin d’y parvenir.

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