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Brexit : quatre ans de négociations sans issue

– Par Nabila Zourara.

Londres – Dix mois passés déjà depuis la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, mais les deux frères ennemis peinent encore à parvenir à un compromis autour de leur future relation commerciale post-Brexit, les négociations butant sur l’essentiel.

Après avoir menacé de quitter les pourparlers avec l’UE si aucun accord commercial n’est conclu lors du sommet européen tenu la semaine dernière à Bruxelles, le Premier ministre Boris Johnson a annoncé aux Britanniques que les espoirs d’une sortie ordonnée se sont presque “évaporés”, et qu’il fallait se préparer au “no deal”.

Le dirigeant conservateur, qui avait défini la date butoir du 15 octobre pour trouver un nouvel accord commercial avec Bruxelles, alors qu’il avait passé toute l’année à affirmer qu’un Brexit sans accord ne serait pas problématique, a été contraint d’adoucir le ton en présentant aux Britanniques l’état d’avancement des négociations, qui, vraisemblablement n’ont pas du tout l’air d’avancer.

Pire encore, dans ce contexte actuel assombri par la pandémie, Boris Johnson avait d’autres chats à fouetter. Alors que l’économie est lourdement touchée  par les retombées de la crise sanitaire, il aurait été difficile pour le chef du gouvernement d’annoncer le même jour qu’il se retirait de son propre chef des négociations, balayant tout espoir de parvenir à un compromis avantageux avec les 27.

Sans pour autant mentionner la nécessité des préparatifs au no deal dès la fin de la période de transition censée s’achever le 31 décembre prochain, M. Johnson a choisi ses mots en annonçant qu’il s’agirait d’une sortie avec “des arrangements qui ressemblent davantage à ceux de l’Australie, basés sur des principes simples de libre-échange mondial”.

Le dirigeant conservateur s’est par ailleurs entretenu mardi avec 250 chefs d’entreprises sur la gestion prévue de la période de transition, alors que le spectre du no deal commence à planer dans l’horizon, avec la menace d’une récession sans précédent.

“Quoi qu’il arrive, il va y avoir du changement, il est donc vital que tous ceux qui participent à cet appel prennent au sérieux la nécessité de se préparer”, a-t-il déclaré dans un communiqué publié par le Downing Street.

Pour le dirigeant conservateur, ce n’est pas la fin des dégringolades. Il a également subi mardi une défaite spectaculaire à la Chambre des Lords au sujet de son projet de loi controversé qui revient sur certaines dispositions de l’accord conclu en janvier avec Bruxelles.

Ce projet, qui, de l’aveu même du gouvernement britannique, constitue une violation assumée du droit international, a pour but de défendre, l’intégrité territoriale du Royaume-Uni en assurant la continuité des échanges entre la Grande-Bretagne et la province d’Irlande du Nord.


 

L’Union européenne qui dénonce un “coup dur à la confiance mutuelle” avait déjà lancé une procédure d’infraction contre Londres pour ce texte qui contredit, selon elle, les dispositions spéciales prises pour l’Irlande du Nord, afin d’éviter le rétablissement d’une frontière physique entre la République d’Irlande, membre de l’UE, et la province britannique conformément à l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies sanglantes.

Alors que la date du 31 décembre 2020, qui marque la fin de la période de transition post-Brexit s’approche dangereusement, le Premier ministre britannique a aussi tenté de dédouaner son équipe vis-à-vis de l’impasse actuelle en insistant sur le fait que les 27 avaient “refusé de négocier sérieusement ces derniers mois”.

Toutefois, il n’a indiqué aucune intention du Royaume Uni de faire des concessions. S’il n’a pas fermé complètement la porte aux négociations, il a laissé entendre que c’était aux dirigeants européens d’adopter “un changement fondamental d’approche”.

La partie de ping pong entre les deux partenaires ne semble pas s’arrêter là, les Vingt-sept ayant renvoyé la balle vers Londres l’appelant aussi à changer “d’approche”, tout en se disant “prêts” à négocier si le Royaume-Uni l’est aussi.

A l’issue de leur énième round de pourparlers, les négociateurs européen et britannique du Brexit, respectivement Michel Barnier et David Frost se sont quittés avec le constat habituel : la discussion avait été “constructive”, mais “la situation” reste “la même”.

Les deux négociateurs s’étaient déjà entretenus lundi. Michel Barnier avait alors affirmé que l’UE restait “disponible pour intensifier” les discussions, pour la première fois “sur la base de textes juridiques”. Mais Downing Street s’était limité à prendre “note” de cette proposition.

Alors que le temps presse pour parvenir à un compromis, Bruxelles estime un accord nécessaire avant fin d’octobre pour être transposé et adopté d’ici à la fin de l’année. Faute d’accord, Londres assure qu’elle pourra assumer une sortie désordonnée dès le 1er janvier avec tout le rétablissement de quotas et droits de douanes que cela impliquera.

Dans ce cas, seuls les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), s’appliqueraient aux échanges entre les deux partenaires historiques, érigeant brutalement de nouvelles barrières commerciales et causant d’importants coûts pour les entreprises importatrices des deux côtés et des retards aux frontières.

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