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Capital Investissement : Interview avec le Président de l’AMIC

Le Président de l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC), Tarik Haddi, revient, dans une interview à la MAP, sur les réalisations de l’industrie marocaine du Capital investissement au titre de l’année 2021, ainsi que sur ses perspectives d’avenir.

1- Durant l’année 2020, l’industrie du capital investissement marocaine a bien résisté à la crise, affichant même sa 3ème meilleure année de la décennie. Qu’en est-il de l’année 2021 ? Comment cette industrie s’est-elle comportée ?

L’année 2021 est celle de tous les records. Les levées ont atteint un record historique avec 1.867 millions de dirhams, soit une hausse de près de 40% en une année. En matière d’investissements, 2021 enregistre également un record, avec 1.152 millions de dirhams investis dans 30 entreprises. Les nouveaux investissements en phase de démarrage d’activité (Capital Amorçage et Capital Risque), représentent, en nombre, près de 60% du total des investissements réalisés en 2021. Enfin, les adhésions à l’AMIC ont également enregistré des records en 2021.

2- Quels sont les principaux secteurs investis ?

Les secteurs les plus prometteurs, dans un contexte marqué par les 3 chocs consécutifs, (i) sur l’offre, en raison de la pandémie et des ruptures de chaines d’approvisionnement, (ii) sur l’énergie, suite à la crise ukrainienne, et (iii) sur la demande dans un contexte inflationniste, sont ceux des services et de la santé, de l’agri-business et des biens de grande consommation, de la distribution & logistique, de l’éducation, des nouvelles technologies, de l’automobile et des énergies.

3- Quelles sont les mesures prises par l’AMIC pour parvenir à ces résultats ?

Au sein de l’AMIC nous agissons essentiellement à travers une communication dynamique et une forte sensibilisation, (i) des décideurs gouvernementaux, (ii) des investisseurs institutionnels et (iii) des dirigeants d’entreprises, sur les performances du capital investissement, ainsi que sur ses impacts socio-économiques très favorables.

4- Plusieurs experts et professionnels ont pointé le faible taux d’investissement (faible attractivité) de l’industrie dans le secteur de l’économie verte ? Comment cela s’explique, notamment dans le contexte actuel ?

Tout d’abord, le cadre réglementaire, notamment en matière de production d’énergie renouvelable par le privé, constitue encore un frein pour le développement d’un écosystème entrepreneurial dynamique dans la filière GreenTech.

Ensuite, les synergies entre les acteurs de cet écosystème entrepreneurial ne sont pas suffisamment exploitées, loin de là.

5- Comment y remédier alors ?

Sur le plan règlementaire, il faut libérer les énergies, c’est le cas de le dire pour ce secteur, afin d’encourager l’émergence d’un entrepreneuriat national créatif et dynamique, tout en instituant un système de régulation basé sur les meilleurs standards internationaux en la matière.

D’autre part, il convient de maximiser les synergies entre les acteurs de l’écosystème entrepreneurial de cette filière, et j’ai fait des propositions sur plusieurs plans dans ce sens :

– L’enseignement et la formation : il faut développer des filières universitaires sur le modèle UM6P (Université Mohammed VI Polytechnique) ;

– L’incitation à la R&D en GreenTech dans nos grandes entreprises, en encourageant particulièrement l’open innovation pour faire collaborer grandes entreprises et startups innovantes, grâce à des incitations fiscales notamment ;

– Il faudra cibler/concentrer l’appui de l’État et des Institutions financières de développement sur les structures d’accompagnement qui donnent les meilleurs résultats et les doter de systèmes d’évaluation basés sur des indicateurs de performance en matière d’accompagnement ;

– Pour les plus performantes de ces structures d’accompagnement, il faudra renforcer leurs capacités organisationnelles : moyens humains et techniques, organisation, process, systèmes d’information…Pour cela il faut de l’assistance technique ciblée et encourager le transfert du savoir-faire des grands incubateurs mondiaux, soit en les incitant à s’associer avec les incubateurs locaux, soit en les invitant à s’installer au Maroc, pour que l’émulation tire vers le haut l’accompagnement au Maroc ;

– Renforcer les compétences des structures d’accompagnement (clusters et incubateurs) et d’investissement (les fonds de capital-innovation, c’est dire de capital amorçage et de capital risque) par des formations, notamment auprès de structures expérimentées en GreenTech à l’international ;

– Améliorer l’accès de ces structures et des start-up accompagnées aux experts internationaux dans le secteur de la GreenTech ;

– Améliorer l’accès des porteurs de projets accompagnés par nos incubateurs et clusters aux laboratoires et aux centres de recherche en GreenTech des grandes universités internationales ;

– Assurer le Continuum du financement sur toute la chaine de valeur en appuyant :

* En amont du capital-innovation, le développement d’accélérateurs spécialisés en GreenTech (sur le modèle de UM6P Ventures et Africa Mobility) qui investissent des tickets de 1 à 3 millions de dirhams pour faire aboutir les business model ;

* Le déploiement d’un réseau de business angel GreenTech, composé d’entrepreneurs locaux et internationaux (pour du transfert de know-how là encore), qui ont réussi des projets dans le domaine de la GreenTech.

* Et en aval des fonds de capital-innovation, des fonds PME (notamment dans le cadre des sous-fonds thématiques ou sectoriels du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement), voire un compartiment boursier dédié, pour les sorties de ces fonds.

– Plus globalement s’ouvrir en permanence et s’internationaliser : il faut libérer les énergies, permettre à nos startups d’aller à l’international et à nos fonds de capital-innovation de les y accompagner, c’est la meilleure façon d’aller vite et bien.

6- Quelles sont vos perspectives et vision pour l’année en cours ? Et de quelle manière la crise liée au Covid-19 a-t-elle rebattu les cartes ?

La crise de Covid-19 a permis de démontrer clairement le rôle du capital investissement dans la résilience de nos entreprises puisque celles accompagnées par notre industrie ont, de très loin, mieux traversé cette crise, et ce grâce aux impacts positifs du capital investissement sur :

– L’amélioration de la structure financière des entreprises investies, par le renforcement des fonds propres et de la capacité d’endettement, et donc d’investissement, à long terme ;

– L’amélioration de leurs capacités institutionnelles et managériales : en termes de gouvernance, de pilotage, de contrôle de gestion, de formation du capital humain, de process qualité … ;

– Le renforcement de l’innovation et de l’adaptabilité des business model ;

– L’implantation de politiques RSE sur les plans de la protection de l’environnement, la transparence fiscale, l’égalité genre, l’inclusion des jeunes, les conditions de travail de protection sociale, l’éthique …

Pour 2022, nous verrons aboutir la réforme de la loi OPCC qui permettra d’adapter les dispositifs réglementaires et de supervision à notre pratique du capital investissement. Le projet de réforme proposé par l’AMIC a été finalisé avec l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) et la Direction du Trésor et devrait être introduit dans le circuit législatif dans les semaines à venir.

Nous serons également mobilisés bien sûr pour l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.

Enfin, nous reviendrons à la charge lors de la préparation de la loi des finances 2023, pour la suppression définitive de la TVA, fiscalement injuste et économiquement contre-productive, sur les frais de fonctionnement des fonds d’investissement et notamment des OPCC.

En matière d’activité, nous espérons dépasser les 3 milliards de dirhams pour les levées de fonds de 2022.

7- Une dernière question concerne votre participation au Morocco Capital Markets Days, organisés par l’AMMC et la Bourse de Casablanca à l’occasion de la clôture de l’Expo 2020 Dubaï. Quel bilan dressez-vous ?

Les investisseurs présents ont tout d’abord étaient sensibles aux atouts macro du Maroc, qui créent les conditions de l’émergence d’un pipe important de cibles d’investissement, pour les fonds de private equity opérant à partir du Maroc, notamment dans les secteurs prometteurs cités plus haut. Nos interlocuteurs ont également été sensibles à la montée en expérience des équipes de gestion marocaines : près de 15 ans d’expérience et une vingtaine d’opérations en moyenne par collaborateur dans notre industrie, un rythme de levée de fonds de 2,5 milliards de dirhams par an, et des investissements records en 2021.

La liquidité de notre classe d’actif a aussi été discutée, et nos interlocuteurs ont été rassurés par les perspectives de sorties industrielles ou stratégiques, sur le marché secondaire ou en payback, en MBO ou en IPO, grandement facilitées par la qualité de l’environnement des affaires et la montée en puissance du marché des capitaux marocain.

Bien sûr, les performances du capital investissement marocain ont été présentées et avec un TRI brut de 13% pour la deuxième année consécutive, cette classe d’actif devrait être particulièrement attractive dans le contexte actuel.

Je pense sincèrement que les fonds marocains de capital investissement constituent une excellente opportunité de diversification pour les investisseurs institutionnels et privés, sur des actifs stables à long terme et à forte rémunération.

Et pour tout investisseur étranger, il est toujours préférable d’investir à travers des fonds gérés par des équipes locales, pour au moins deux raisons : (i) diversifier les risques et optimiser les coûts de transaction et de suivi, en investissant dans des fonds multisectoriels et (ii) bénéficier de l’expertise d’équipes de gestion marocaines parfaitement insérées dans l’environnement local.

Plus particulièrement, les primo-investisseurs au Maroc peuvent, avec de faibles tickets, de l’ordre de de 10 millions de dollars par exemple, investir dans des fonds de taille significative, intervenant dans plusieurs secteurs d’activité, pour mieux connaître le marché et saisir des opportunités d’investissement directes ultérieures, notamment en mode payback.

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