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Charte de l’investissement: Quel rôle pour le privé ?

Par: Samia BOUFOUS.

Casablanca- L’économiste et expert en prospective et études stratégiques, Najib Mikou, livre, dans une interview accordée à la MAP, sa lecture du rôle que devrait jouer le secteur privé dans la mise en oeuvre de la nouvelle charte de l’investissement et la contribution de cette dernière à la relance de l’économie nationale.

– Quel est le rôle du secteur privé dans la mise en œuvre de cette Charte d’investissement ?

C’est sur l’efficacité et la performance de notre climat des affaires que la décision d’investir est prise par un opérateur. Car au-delà de tout patriotisme économique nécessaire ou de tout intérêt que nous puissions susciter chez un investisseur étranger, le monde des affaires et de l’entreprise reste “un monde de l’argent et du bénéfice”. Et ceci n’est ni un gros mot ni encore moins péjoratif.

Il n’est donc nul besoin de rappeler ici que la Charte de l’investissement a été notamment et justement faite pour que le secteur privé y trouve des autoroutes d’opportunités, les emprunte avec enthousiasme et assume par conséquent, pleinement le rôle qui doit être le sien dans le domaine économique.

Ainsi, il est par conséquent, visé que l’on parvienne grâce à la nouvelle charte de l’investissement, à relever le défi de réconcilier notre choix économique libéral avec notre réalité économique effective.

Il n’est pas normal, il n’est pas permis, il n’est pas viable que l’Etat soit l’investisseur principal et de très loin, par rapport au privé, dans une économie libérale. D’où l’objectif assigné à la nouvelle charte de l’investissement, à l’horizon 2035, d’inverser les parts de l’Etat et du privé dans l’investissement global.

La logique préconisée veut que le privé y atteigne 75% alors qu’il oscille aujourd’hui entre 25 et 30%.

C’est à ce titre que le privé est fortement attendu, dans une complicité positive et constructive avec l’Etat, pour qu’ils relèvent ensemble, les défis de l’industrialisation du pays, de la création d’une forte valeur ajoutée localement, de l’atteinte d’une nécessaire croissance de 6 à 7%, de la création d’emplois massifs et du développement conséquent des exportations.

C’est ainsi qu’ils pourront donner ensemble, à notre Économie, les ailes fortes et étoffées qui doivent être les siennes, pour qu’elle soit véritablement inclusive et qu’elle fasse accéder sans plus tarder, notre pays au statut de puissance émergente à l’échelle régionale et internationale.

– Quid de la contribution de cette charte à la relance de l’économie ?

Il faut souligner tout d’abord, que la charte de l’investissement constitue l’un des outils majeurs sur lesquels le nouveau modèle de développement (NMD) a assis la stratégie de développement économique proposée à l’horizon 2035.

Le communiqué du Palais Royal à ce sujet témoigne du rôle nodal de cet outil et des grandes ambitions portées sur lui pour insuffler l’impulsion nécessaire à notre économie.

Le projet accède aujourd’hui, sous les Hautes Instructions Royales, au stade décisif de formalisation de son implémentation et d’association des représentants des opérateurs privés à sa mise en œuvre.

Outre les objectifs globaux de création massive d’emplois, de développement territorial équitable et de priorisation de secteurs porteurs pour notre pays, il est permis de croire que la charte de l’investissement attendue, servira des objectifs non moins importants, qui constitueront incontestablement, des facteurs d’appui décisif à son succès.

Elle est appelée à être un véritable moteur à libérer les énergies, toutes les énergies, tant qu’elle favorisera et encouragera l’initiative de tout opérateur économique sans discrimination aucune, ni spatiale ni d’activité.

Elle est également appelée à être l’un des propulseurs privilégiés d’une croissance forte et durable, combien nécessaire et salutaire pour notre économie et pour notre cohésion et sérénité sociales.

Elle est de même, appelée à être l’une des machines inclusives de toutes les potentialités, en ce sens qu’elle appuiera des choix et des voies d’opportunités pour la très petite initiative quelle qu’en soit sa taille.

Et elle est, enfin, appelée à insuffler la dose inéluctable de transparence, aussi bien en matière de neutralité des services de l’Etat face aux opérateurs économiques, qu’en matière d’accès aux avantages qu’elle leur apporte.

Ainsi, il est attendu que les systèmes de dérogations ainsi que les rapports personnalisés entre l’administration et les opérateurs économiques, soient abolis. La digitalisation de l’accès à l’information et de son traitement y contribuera significativement.

Il faut aussi souligner que le fait que le gouvernement se soit doté d’un ministère auprès du Chef du Gouvernement, dédié à “l’Investissement, la Convergence et l’Évaluation des Politiques Publiques”, est en lui-même un atout important pour la mise en symbiose de l’intervention publique dans ce domaine crucial, ainsi que pour l’atteinte de toutes ces attentes légitimes.

Ceci dit, si tout autorise à croire que la charte de l’investissement attendue, puisse assumer tous ces rôles et permettre d’atteindre tous ces objectifs économiques, il serait injuste de penser qu’elle puisse le faire toute seule.

L’acte d’investir est complexe et multidimensionnel et par conséquent, la charte de l’investissement devrait être accompagnée d’une façon concomitante, à savoir:

– D’une charte fiscale pour assurer stabilité, simplicité et visibilité aux opérateurs économiques, pour favoriser notamment la création de Sociétés privées de Mutualisation et de Commercialisation (SMC) regroupant particulièrement des TPME et pour contribuer à la juste redistribution des fruits de la forte croissance visée, entre l’ensemble des compartiments de la société.

– D’une charte sociale pour permettre le transfert de la juste part du Capital vers le Travail et pour que l’entreprise soit un cadre idéal de créativité, d’engagement, de formation, d’épanouissement, de cohésion et de compétitivité.

– Et d’un système d’accompagnement financier, foncier et d’ingénierie au profit de l’opérateur qui en a besoin, pour forcer le succès de toute initiative d’entreprendre et éviter les mortalités importantes et démotivantes d’entreprises, que nous essuyons régulièrement, surtout dans les rangs des TPME.

L’intérêt, je pense, n’est pas tant la création de dizaines de milliers d’entreprises par an, mais également et surtout, de ne ménager aucun effort pour les maintenir en vie et les faire grandir notamment, par l’accompagnement ciblé et efficace.

Et pour clore: Tout ceci peut être résumé en 3 mots magiques, en l’occurrence:  “Climat des affaires”.

Voir aussi:

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