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Digital 2020: Interview avec le directeur général de l’ADD

Casablanca – Le directeur général de l’Agence de développement digital (ADD), Mohammed Drissi Melyani, a accordé une interview à la MAP dans laquelle il met l’accent sur le paysage digital au Maroc et les principales transformations qu’a connues ce domaine pendant l’année 2020, marquée par la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus, ainsi que sur les perspectives d’évolution du secteur pour l’année prochaine.

1- Dans un contexte particulièrement dominé par la crise du Covid19, 2020 se montre comme une année de digitalisation par excellence. Qu’en pensez-vous ?

Le Maroc, et pour faire face à la pandémie du Covid-19, a mis en place un ensemble de mesures de prévention et de précaution avant-gardistes visant à mieux gérer les répercussions sanitaires, économiques et sociales de cette crise. Lors de ces circonstances exceptionnelles, l’outil digital s’est avéré un moyen incontournable pour assurer la continuité des services rendus et s’est imposé fortement comme une solution technologique capitale à même de pérenniser les prestations de services publics et privés.

Ainsi, nous étions témoins de l’adhésion de l’usager (citoyen/entreprise) mais aussi des administrations publiques aux outils digitaux, et également de la grande prise de conscience au sujet de la transformation digitale, et son importance pour assurer la relance économique de notre pays.

Aujourd’hui, l’accélération du chantier de transformation digitale apparait plus que jamais nécessaire voire même urgente, et la priorisation de certaines actions est devenue indispensable en vue de favoriser les plans de développement futurs du pays. Il s’agit notamment de l’accompagnement à la mise en place d’une administration publique efficace, une économie orientée vers l’innovation, une société de savoir inclusive axée sur le numérique, et un environnement favorable en matière d’évolution du cadre réglementaire, du développement des talents digitaux et de construction d’une confiance numérique durable.

Enfin, il est clair que le besoin d’un accompagnement est pressant à tous les niveaux pour favoriser l’appropriation et la pérennisation de cette dynamique de digitalisation que connait notre pays. Cet accompagnement passe notamment par la mise en œuvre de réels programmes de conduite de changement permettant la contribution des usagers à la recherche des leviers de la croissance multidimensionnelle.

2- Quelles sont les principales évolutions qu’a connu le Digital pendant cette année ? (Secteurs public et privé, données, chiffres, procédures, réglementations …) ?

Durant cette année marquée par la pandémie Covid-19, le Digital, comme partout dans le monde, s’est avéré un outil incontournable pour assurer la continuité des services publics rendus aux usagers (Citoyens ou entreprises).

En effet, cette nouvelle donne a favorisé le télétravail au niveau des administrations publiques, les réunions à distance facilitées par l’adoption des solutions de visioconférence, ce qui a permis de faciliter les échanges et la continuité des services publics rendus aux usagers, en respectant les meures de distanciation physique.

Dans ce sens, l’Agence de Développement du Digital a accéléré la mise en place de solutions digitales permettant la dématérialisation de certaines procédures à savoir d’une part, l’accompagnement des administrations marocaines dans l’adoption du travail à distance et d’autres part, la réduction des échanges physiques de documents et de courriers administratifs susceptibles de présenter un réel facteur de risque de contamination. Il s’agit notamment de 3 solutions suivantes : le Bureau d’ordre digital, le Parapheur électronique et la plateforme « Télé-accueil ».

Il est à souligner que le nombre d’administrations ayant souscrit aux « bureau d’ordre digital » et « parapheur électronique » est passé de 30 à près de 1000 administrations (collectivités territoriales incluses) en l’espace de 7 mois. En ce qui concerne la plateforme « Télé-accueil », celle-ci a été déployée en faveur de 17 administrations et une moyenne de 40 rendez-vous par jour y sont souscrits.

* Par ailleurs, le Ministère de l’Intérieur, à travers sa Digital Factory, a mis en place la plateforme CRI-Invest qui digitalise le parcours de l’investisseur en offrant de multiples services comme l’information, la prise de rendez-vous, le suivi des dossiers d’investissement ou l’accès aux actes et autorisations en ligne.

* Concernant le Secteur de la Santé, le Maroc a également initié une série d’initiatives comme :

– La réalisation de l’application marocaine de notification d’exposition au Coronavirus (Covid-19) baptisée « Wiqaytna » (https://www.wiqaytna.ma/). Il s’agit d’une solution de tracing des contacts permettant aux équipes du ministère de la santé de notifier rapidement les citoyens qui auraient été en contact avec un cas positif au Covid-19 et de gagner ainsi un temps précieux pour la prise en charge;

– La mise en place du portail officiel de la Coronavirus au Maroc (http://www.covidmaroc.ma/Pages/Accueil.aspx), site internet de communication officielle du Ministère de la Santé qui est mis à jour quotidiennement avec les données de suivi des cas de contamination;

– La mise en place du premier site de télé conseil médical au Maroc : https://www.tbib24.com;

* Au niveau du secteur de l’éducation, le Ministère de l’Éducation Nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MENFPESRS) a mis en œuvre des mesures pour garantir la continuité pédagogique et l’apprentissage scolaire. Rappelons-nous dans ce sens, du lancement en un temps record de la plateforme numérique “TelmideTICE” et de la diffusion des cours à distance sur la chaîne TV Attakafiya (arrabiya).

Aussi, l’ADD a mis en place le programme national de formation dans le domaine du digital baptisé « Génération digitale » qui vise à intégrer des nouvelles compétences, filières, contenus et initiatives innovantes au niveau de tous les cycles de l’enseignement à savoir l’enseignement fondamental, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur, la formation continue, et la recherche scientifique. Ce programme a été développé en partenariat avec le MENFPESRS et les différents acteurs publics et privés du secteur de l’éducation/formation.

A noter que l’accélération de la transformation digitale et l’adoption des outils et solutions numériques constituent un levier d’inclusion sociale et de développement humain. Le digital permet ainsi de résoudre certaines problématiques et enjeux critiques qui freinent le développement social et l’accès équitable de toute la population aux différents services et opportunités disponibles, notamment les catégories fragiles.

A cet effet, le Maroc a mis en place des initiatives digitales dans un esprit de cohésion nationale. Par exemple, le portail www.covid19.cnss.ma qui a été lancé au début de la pandémie pour permettre aux entreprises affiliées à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) de déclarer leurs salariés en situation d’arrêt total ou partiel de travail.

Autre initiative, et qui n’est pas des moindres, concerne la mise en place d’un dispositif SMS pour le versement des aides financières en faveur des populations vivant dans des territoires reculés avec la mise en ligne de la plateforme de réclamations associée https://www.tadamoncovid.ma/.

L’ensemble de ces initiatives ont été accompagnées parallèlement par l’évolution du cadre réglementaire. En effet, le Maroc a adopté la loi n°72.18 relative au dispositif de ciblage des bénéficiaires des programmes d’appui social et reposant sur la création de deux principaux outils : le Registre National de la Population (RNP) et le Registre Social Unifié (RSU).

En plus, le Maroc a également adopté la loi n°55.19 relative à la simplification des procédures et formalités administratives. Dans cette même optique, deux projets de lois sont également en cours d’adoption à savoir la loi n°41.19 relative à l’administration numérique et la loi n°43.20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques. Toutes ces initiatives juridiques visent à renforcer la confiance entre l’usager et l’administration.

* Du côté du Secteur Privé, la Fédération marocaine des Technologies de l’Information, des Télécommunications et de l’Offshoring (APEBI) qui est la fédération des professionnels du TIC et de l’offshoring au Maroc, s’est également mobilisée dans la lutte que mène le Maroc contre le Virus et ce à travers plusieurs initiatives en mettant en avant les technologies digitales et leur impact sur la bonne marche des écosystèmes cités auparavant. Parmi ces initiatives, nous pouvons citer l’appel à projets innovants « Moroccan Tech Against Covid-19 (HackCovid) ».

* Pour ce qui est du Secteur Bancaire, l’évolution était aussi spectaculaire dans la mesure où de nombreuses institutions ont contribué à faire du digital un levier essentiel pour l’inclusion financière ce qui a créé un engouement sans précédents notamment en ce qui concerne les multiples applications mobiles lancées.

Pour conclure, tout l’effort actuel est orienté pour le maintien de cette dynamique mais qui gagnerait plus d’efficience si nous arrivons à se doter des moyens et ressources nécessaires pour bien instaurer une nouvelle culture de conduite du changement à travers des actions de formation, de sensibilisation et d’accompagnement au profit de tous les acteurs publics et privés.

3- Quelles sont vos perspectives pour l’année 2021, et quels plans envisagez-vous pour promouvoir davantage le Digital au Maroc ?

Les perspectives de digitalisation sont tributaires d’un certain nombre de prérequis nécessaires à la concrétisation des objectifs escomptés, à faire aussi d’une évolution numérique un enjeu national de taille. Nous avons tous témoigné de l’imposition du digital aux gouvernements des pays du monde entier, comme un enjeu majeur de développement économique et social. Force est de constater, qu’au Maroc, un tel développement ne peut être envisagé sans suffisamment investir dans le développement de l’infrastructure numérique, l’éducation, la formation et la R&D en vue de faire face aux défis post Covid-19 pour l’année à venir, de mettre en place un écosystème numérique efficace favorisant ainsi la relance socio-économique du Maroc.

Ces mêmes investissements nécessitent bien évidemment la mobilisation de moyens financiers à la hauteur des défis. L’objectif étant de soutenir les projets de digitalisation notamment à travers la multiplication et le développement de mécanismes de financements innovants et leur promotion auprès des porteurs de projets sur l’ensemble des régions et territoires.

En ce qui concerne la promotion du Digital au Maroc, l’ADD compte lancer, en collaboration avec ses partenaires, des initiatives dans le cadre de ses chantiers prioritaires. Parmi elles, nous pouvons citer :

– La mise en place du Portail National de l’Administration (PNA) qui vise rendre les procédures administratives accessible aux citoyens dans le cadre de l’opérationnalisation de la loi n°55.19;

– La mise en œuvre de la plateforme d’interopérabilité en vue de digitaliser les interactions et échanges de données entre les administrations marocaines ;

– La réalisation de plans d’accompagnement du public et du privé dans la formation continue et la montée en compétence des employés et fonctionnaires sur les métiers du digital;

– Le déploiement de la plateforme de formation en ligne « Digital Academy » auprès d’une large population (Startuppers, autoentrepreneurs, différentes catégories sociales et professionnelles…);

– Le déploiement de services digitaux « centres usager » par la Digital Factory pour le compte de partenaires institutionnels.

Par ailleurs, il est à souligner que dans le cadre de la mise en œuvre du chantier « infrastructure numérique », l’ADD lancera en janvier 2021 une étude portant sur le développement des infrastructures numériques nationales (Data Centres et Cloud). L’objectif de cette étude, qui sera conduite en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, est de concevoir une vision commune claire pour la mise en place d’un plan d’action pour le développement de l’infrastructure nationale en termes de Data Center et de Cloud.

Aussi et en vue de développer l’écosystème digital et l’innovation, l’ADD procédera en 2021 au lancement de deux projets stratégiques notamment :

– L’élaboration de la conception détaillée et la mise en place de la « Smart Factory » et de son modèle d’affaires. Il s’agit d’une usine digitale modèle qui permettra de diffuser les meilleures pratiques de l’industrie 4.0 et d’accompagner la transformation digitale des PME industrielles. L’usine sera composée de lignes de production réelles adaptées au besoin des acteurs locaux et d’un écosystème technologique de pointe ;

– La réalisation d’une étude visant à doter le pays d’une vision stratégique nationale en matière d’Intelligence Artificielle, de définir la feuille de route de son développement, et de préparer un plan d’opérationnalisation pour un écosystème IA pilote.

Enfin, l’ADD s’associera à l’effort de promotion du numérique dans les secteurs économiques clés du pays conduit par les départements ministériels concernés, notamment en étant force de proposition par sa maitrise du domaine et du rôle transversal qu’elle assure.

Voir aussi:

Industries: Hausse des prix à la production en juin

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