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ESS: Interview avec Saloua Tajri du MTATAES

Casablanca – La directrice de la Promotion de l’économie sociale au ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Economie sociale (MTATAES), Saloua Tajri, a accordé une interview à la MAP dans laquelle elle livre l’état des lieux de l’économie sociale et solidaire (ESS) au Maroc, la réaction face à la crise sanitaire actuelle, ainsi que le rôle de ce secteur en tant levier de développement durable.

Elle a également passé en revue les principales orientations stratégiques du département de tutelle ainsi que les mesures et chantiers lancés pour renforcer l’apport de ce secteur.

Quel état des lieux faites-vous de l’ESS au Maroc et quel est le bilan des stratégies mises en place ?

L’économie sociale est un secteur émergent au Maroc, représenté par trois familles: les coopératives, les associations à caractère économique, les mutuelles auxquelles sont venues se joindre très récemment, les fondations et les entreprises sociales.

L’ESS présente des atouts incontournables en tant que mode d’entreprenariat inclusif des jeunes et des femmes surtout en milieu rural, vecteur des valeurs de solidarité et de cohésion sociale, levier de développement durable territorial et un vivier important d’innovations sociales et d’intelligence collective. Son développement permet de contribuer à organiser le secteur informel, à créer de nouveaux emplois et à lutter efficacement contre la pauvreté.

L’évolution du secteur de l’ESS au Maroc a bénéficié d’un appui de différentes politiques publiques et de stratégies sectorielles, et a connu un réel essor, depuis le lancement par SM le Roi Mohammed VI de l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH), le 18 mai 2005.

En termes de chiffres, le tissu de l’ESS marocain a connu une évolution considérable au cours de la dernière décennie. Il compte aujourd’hui plus de 34.500 coopératives encadrant plus de 608.000 hommes et femmes (auto emploi), dont 4.870 sont des coopératives féminines, insérant 37.000 femmes, plus de 210.000 associations (y compris les associations à caractère non économique) et plus de 63 mutuelles dominées par les mutuelles des employés du secteur public.

Le ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Economie sociale s’est vu confier, la charge d’animer et de coordonner la politique gouvernementale dans le domaine de l’ESS. Cette nouvelle attribution repose sur une vision stratégique qui s’articule autour d’un certain nombre d’orientations de base dont la mise en œuvre repose sur une démarche participative fondée sur le développement de partenariats avec les différents intervenants, de manière à favoriser les synergies par l’harmonisation des efforts, la coordination des actions et la convergence des objectifs, orientés vers la création des richesses et de l’emploi et l’ancrage des valeurs de solidarité et de cohésion sociale.

Parmi ces orientations stratégiques, il y a lieu de citer notamment :

– La recherche d’une meilleure insertion de l’ESS dans le cadre d’une vision territoriale intégrée du développement économique et social ;

– La consécration de la place de l’ESS dans les différentes stratégies de développement sectorielles (Maroc Vert, Tourisme, Artisanat, Pêche, etc.) et autres programmes et initiatives (INDH, lutte contre l’analphabétisme…) ;

– Le renforcement des capacités opérationnelles des acteurs de l’ESS en leur assurant l’appui et l’accompagnement adéquat ;

– L’allègement des contraintes et obstacles de diverses natures (accès au financement, couverture sociale, gouvernance, accès au marché, communication, veille stratégique, cadre législatif et institutionnel…etc.)

La mise en œuvre de cette vision stratégique a donné lieu au lancement d’une série de chantiers dont on peut signaler en particulier :

– Au niveau du développement des initiatives locales: la mise en place de plans régionaux de développement de l’ESS avec l’objectif de doter toutes les régions du Royaume d’un tel outil à moyen terme;

– Au niveau de la promotion : l’organisation, au niveau international, national et régional, des salons et foires qui offrent aux entreprises de l’ESS, l’opportunité de se faire connaître et l’occasion de conquérir de nouveaux débouchés.

– Au niveau de la commercialisation : l’extension de l’expérience des marchés itinérants (41 réalisés), espaces de rencontres et d’échanges, mais aussi vecteurs de la culture de promotion du produit ESS et moyen d’apprentissage des techniques de conquête de nouveaux marchés, ainsi que l’ouverture des magasins solidaires, la participation à la mise en place des plateformes de commercialisation avec les conseils régionaux et l’intégration des surfaces de distribution.

Et pour donner une visibilité au secteur en matière de participation à la création de l’emploi et à la contribution au PIB national. Le ministère a lancé une étude d’élaboration d’une nouvelle stratégie de l’ESS au Maroc, qui permettra de produire des orientations, de formuler des propositions et des recommandations, afin d’aboutir à un véritable changement d’échelle.

Actuellement, le Maroc est considéré comme leader en matière d’Économie Sociale et Solidaire en Afrique, et tend à renforcer sa position en multipliant les actions en coordination et en partenariat avec les différents acteurs et intervenants institutionnels et privés.

 

Comment l’ESS contribue aux efforts de lutte contre les répercussions néfastes de la crise de COVID19 ?

Cette pandémie a provoqué un repli de l’offre et de la demande des biens et services dans des secteurs clés de l’économie, notamment le Tourisme, l’Artisanat et l’Agriculture. En conséquence, les entités de l’ESS majoritairement opérant dans ces secteurs soit directement ou indirectement, se retrouvent affectées de plein fouet, avec un arrêt subit de leurs activités pendant la période de confinement.

De tel impact a été décelé à travers l’enquête à distance, en mois d’avril, qu’a réalisée le ministère, auprès de 600 entités de l’ESS, représentant les douze régions du Maroc et exerçant dans différentes activités sectorielles.

Pour faire face à cette situation alarmante, une cellule de veille est mise en place pour rester à l’écoute des composantes de l’ESS, leur apporter conseils, les sensibiliser sur les mesures préventives prises pour faire face à la propagation de la pandémie à travers des capsules vidéo, notes électroniques, relais territoriaux, autres supports de communication, de même les accompagner pour bénéficier de l’appui du fonds covid-19, instauré sur instructions de SM le Roi Mohammed VI.

D’autres actions menées par le ministère par l’entremise de l’Office de Développement de la Coopération (ODCO) pour accompagner et appuyer les coopératives notamment en matière de promotion de la vente en ligne des produits des coopératives, l’exonération des coopératives des droits de certification pour la production des masques et l’opération des paniers solidaires par l’approvisionnement auprès des coopératives ainsi que la facilitation d’accès aux produits financiers notamment le programme INTELAKA.

Dans la même perspective et pour accompagner et soutenir les activités des composantes de l’ESS afin de maintenir leurs emplois, le ministère a déployé des efforts en matière de mobilisation des partenaires pour la recherche des fonds, ayant abouti à la conclusion de nouvelles coopérations internationales avec le Canada, l’Espagne (AECID), et d’autres partenariats notamment avec l’AFD en cours.

Du côté des acteurs de l’ESS, il est important de saluer l’effort de solidarité et de mobilisation des composantes de l’ESS auprès des populations vulnérables pendant cette période de crise covid-19.

 

Quelles sont les mesures et actions que votre département envisage d’entreprendre en vue de renforcer l’apport de l’ESS et sa contribution à générer une croissance inclusive et durable ?

Suite aux Hautes orientations de SM le Roi Mohammed VI, pour faire face aux répercussions de la crise sanitaire, le ministère envisage de renforcer l’apport de l’ESS à travers un plan de relance inclusif, axé sur les principaux leviers d’actions suivants :

– Le soutien à la production et à la commercialisation des produits et services des entités de l’ESS, à travers la mise en place de partenariats avec des plateformes électroniques existantes ou innovantes.

– La mobilisation de toutes les parties prenantes de l’écosystème d’entreprenariat par l’ESS à fédérer leurs efforts d’accompagnement et d’appui aux acteurs de l’ESS et à placer la dimension ESS au cœur de leurs plans de relance.

– L’accompagnement des entités de l’ESS pour leur faciliter l’accès aux différents programmes d’appui au financement de leurs activités.

– L’amélioration des conditions sociales des entités de l’ESS, en favorisant leur accès à la couverture sociale.

– L’appui des projets des acteurs de l’ESS à travers deux programmes MOAZARA et LALA MOTAAWINA dédiés respectivement aux associations et aux coopératives.

– La digitalisation des chantiers relatifs au renforcement des capacités des acteurs de l’ESS.

– L’activation de l’adoption de la loi cadre de l’ESS qui vise à reconnaître et à accroître la visibilité de l’ESS et à donner les moyens et les outils de son développement et de son changement d’échelle pour qu’elle prenne une part significative dans l’économie.

Enfin, cette crise sanitaire covid-19, renforce l’idée qu’il est question d’inventer un nouveau modèle économique solidaire, une nouvelle série d’innovations de sorte qu’elles peuvent ainsi contribuer à des transformations sociales qui pourraient favoriser la transition vers un développement durable inclusif. Et l’ESS en est l’une des réponses.

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