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Inclusion professionnelle des PSH: encore du chemin à parcourir

Par Lhassan Essajide

Casablanca,  Véritable enjeu de société, la question de l’employabilité et l’intégration des personnes en situation de handicap (PSH) connait ces dernières années un intérêt particulier au Maroc. En dépit des différentes avancées enregistrées dans ce domaine, beaucoup de chemin reste encore à franchir.

Selon une enquête nationale sur le handicap réalisée en 2014, le taux de personnes en situation de handicap au Maroc est de 6,8%, soit environ 2 millions de personnes. Ces statistiques font ressortir un taux de chômage des PSH quatre fois supérieur au taux national.

Face à ces chiffres, l’Etat a, en effet, mis en place plusieurs programmes et mécanismes pour faciliter l’insertion professionnelle de cette frange de la société, notamment la politique de quota. Très récemment, le gouvernement a lancé des concours unifiés dans plusieurs secteurs ministériels afin de recruter les PSH. Mais, Qu’en est-il alors du secteur privé, en particulier les entreprises engagées en matière de RSE ?

Pour Adil Cherkaoui, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Ain Chock, Université Hassan II de Casablanca, les entreprises font preuve de bonne volonté en la matière.

En effet, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) avait publié en 2017 un guide destiné aux entreprises labellisées pour les accompagner en matière d’inclusion professionnelle des PSH. Elle inscrit cette question dans l’axe “respect des droits humains en entreprise” dans une perspective du management de la diversité.

L’organisation patronale plaide, auprès de ses entreprises adhérentes, pour l’instauration d’une politique de diversité des ressources humaines afin de lutter contre les discriminations en entreprise et promouvoir l’égalité des chances et ce, selon trois axes majeurs, à savoir le genre, le multiculturel et le handicap.

Par ailleurs, et selon une étude qualitative récente auprès de douze grandes entreprises labellisées RSE, l’engagement des ces entités reste encore timide, se résumant souvent à des actions philanthropiques en fonction des opportunités qui se présentent et en s’associant avec des associations militantes.

“Malgré leur bonne volonté exprimée par des chartes de diversité et d’inclusion, très peu d’entreprises engagées en matière de RSE qui intègrent des personnes en situation de handicap dans leur capital humain. Une telle difficulté est souvent perçue comme une discrimination à l’embauche”, nous a expliqué M. Cherkaoui, auteur de cette étude.

Méconnaissance du Handicap, principal frein à l’inclusion

La méconnaissance, voire l’incompréhension du handicap par les directeurs des ressources humaines est le principal frein à l’inclusion professionnelle des PSH. “Le handicap est souvent réduit à une personne en fauteuil roulant, aveugle, sourde ou ayant une déficience mentale”, a expliqué M. Cherkaoui.

Les discussions menées à ce sujet laissent remarquer la présence des filtres invisibles du handicap témoignant d’une “discriminations par le goût” des PSH, a soutenu M. Cherkaoui. “Il s’agit de la crainte de la productivité des PSH, perçue comme limitée par rapport à celle des non-handicapées… le handicap est perçu comme synonyme de l’inaptitude, de l’impuissance, de l’inexpérience, de l’insuffisance de formation ou encore de la sous-qualification des PSH”, a-t-il souligné.

D’après le consultant en RSE et management de la diversité en entreprise, les pratiques RH des entreprises étudiées restent génériques. Elles n’intégrant pas la spécificité des PSH, avec une absence de toute action de discrimination positive (quotas …). “À cet effet, la politique de recrutement de personnes handicapées ne passe pas par une sensibilisation à la thématique du handicap. Les hésitations et les craintes sont remarquées chez les entreprises interviewées”, a-t-il dit.

Ces craintes concernent d’abord le risque d’absentéisme, les arrêts maladie, leur répétition sur de longues périodes, ce qui implique clairement pour l’entreprise une notion de manque de fiabilité et de productivité du salarié handicapé, a indiqué M. Cherkaoui, préconisant une communication franche, sans fausse gêne, et qui ne peut qu’être bénéfique pour les deux parties pour expliquer précisément l’état du handicap et les solutions proposées des deux côtés.

D’après lui, plusieurs difficultés ont été soulevées à savoir, la présence des stéréotypes et des préjugés, le coût perçu, alors que la plupart des travailleurs en situation de handicap n’ont pas besoin d’un aménagement de travail spécifique, le faible niveau de qualification des travailleurs handicapés, et la complexité et la lourdeur des dispositifs réglementaires.

“Ces constats témoignent plus que jamais du manque de spécialistes en la matière pour accompagner les entreprises et les former à la gestion du handicap au travail, notamment à l’échelle des directions des ressources humaines et de RSE au Maroc”, relève le chercheur.

La formation, clef de voûte de la réussite de l’inclusion professionnelle des PSH

Selon les dernières statistiques disponibles, plus de 66% des personnes en situation de handicap demeurent sans niveau d’instruction, ce qui correspond à près de 1,4 million de personnes dont 67% sont des femmes. Parmi ceux qui ont pu accéder à l’école, 79% (entre 5 et 17 ans) se sont au maximum arrêtés au niveau primaire.”Cela confirme le rôle majeur de la formation qui conditionne l’employabilité des personnes en situation de handicap au Maroc. L’activité des PSH et leur niveau d’études sont parfaitement et positivement corrélés”, a dit le professeur.

La réussite de l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap au Maroc pourrait se faire à travers plusieurs leviers. Il s’agit d’après le professeur de favoriser l’accès des PSH à la formation, en ayant recours par exemple à l’alternance ou à des dispositifs de formation réguliers, de mieux accueillir les collaborateurs en situation de handicap, en facilitant la rencontre employeurs-PSH, en sensibilisant le personnel, mais aussi en adaptant le travail (rythme de travail, télétravail, accessibilité physique et numérique et les autres formes d’ergonomie).

Selon lui, il est également question de reconnaître et valoriser les entreprises “handi-accueillantes” par les outils de pilotage de la RSE comme les systèmes de référentiels spécifiques à l’instar de l’initiative de la commission Label RSE de la CGEM, et d’établir des coopérations entre grandes entreprises et PME pour mutualiser les savoirs et partager les bonnes pratiques, ainsi que de combattre les stéréotypes, par la sensibilisation, la formation, la communication externe et la publicité.

Dans le cadre des efforts en matière d’inclusion professionnelle des PSH, une convention-cadre portant sur la promotion de l’éducation inclusive des personnes en situation de handicap, a été signée, mi-décembre dernier, entre le ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille, le ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le ministère de la Santé.

De même, une convention de partenariat, visant à accompagner et à faciliter l’intégration professionnelle, ainsi qu’à encourager les initiatives de l’auto-emploi au profit des personnes en situation de handicap, a été signée entre le ministère de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille, le ministère du Travail et de l’insertion professionnelle, l’Entraide nationale, l’Agence de développement social, l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences et l’Office du développement de la coopération.

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Lhassan Essajide