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Interview avec le DG de l’office des changes

Propos recueillis par Safaa Bennour

Casablanca – Le DG de l’Office des changes, Hassan Boulaknadal, a accordé une interview à la MAP sur la nouvelle instruction Générale des Opérations de Changes (IGOC) au titre de l’année 2022, ses nouveautés phares et ses retombées souhaitées sur les particuliers et les entreprises. En voici la teneur:

1- Quel bilan faites-vous des principales réalisations de l’Office des changes en 2021 ?

En 2017, l’Office des Changes a renouvelé sa stratégie et s’est doté d’un nouveau Plan d’Actions Stratégiques (PAS). Cette vision quinquennale (2017-2021) était centrée sur cinq principaux axes portant sur : l’amélioration du service aux usagers, l’amélioration de l’efficacité et l’efficience du contrôle de change, le renforcement de la digitalisation des processus, la promotion du développement institutionnel et l’amélioration de la communication externe.

De la stratégie à la mise en œuvre du PAS, l’objectif de l’Office des Changes était de hisser sa performance à des niveaux supérieurs, d’assimiler la dynamique de changement à l’œuvre dans le Royaume et de s’adapter aux changements intervenus à l’échelle mondiale.

2021 a constitué l’année terminale de notre PAS quinquennal 2017-2021. Au cours de cette année, l’Office des Changes a revigoré ses énergies pour finaliser la mise en œuvre de sa stratégie.

Les actions entreprises, dans ce cadre, ont pu incarner une dynamique dont l’esprit se perpétue et se renouvelle à travers des initiatives guidées par les axes d’une stratégie visant la performance, l’efficacité et l’efficience.

Résolument tourné vers la transformation numérique, l’Office des Changes a continué ses efforts de dématérialisation en innovant des services en ligne personnalisés et performants et en perfectionnant les services à distance déjà opérationnels. L’objectif étant de s’ouvrir aux nouveautés de l’ère numérique et d’offrir à ses usagers et partenaires des services en ligne à la mesure de leurs attentes.

Parallèlement à la dématérialisation des processus et à l’enrichissement des services en ligne, les actions menées par l’Office des Changes ont contribué à l’amélioration des relations avec les usagers, au renforcement des actions de communication, à l’optimisation du contrôle de change, au perfectionnement des outils de supervision, à l’amélioration de la qualité des productions statistiques….

Au regard de ce bilan riche, concret et tangible, on peut affirmer que l’Office des Changes a réussi à décliner sa vision stratégique en actions concrètes et en réalisations indéniables.

Capitalisant sur cette expérience et sur les acquis engrangés au cours des cinq dernières années, l’Office des Changes initiera un nouveau plan d’actions stratégiques. Il s’agirait d’une nouvelle feuille de route devant guider notre action pour les cinq années à venir avec la volonté d’œuvrer pour un nouveau paradigme de la relation Administration/Usagers.

Ambitieux et tourné vers l’avenir, le futur PAS de l’Office des Changes formulera des résolutions pratiques, énoncera des solutions nouvelles, lancera des initiatives novatrices et mettra au point une feuille de route vigoureusement définie, assortie des mécanismes nécessaires de sa mise en œuvre.

2- Vous venez de publier la nouvelle IGOC 2022. Quelles sont les nouveautés phares de la version 2022 de ce dispositif ?

L’élaboration des textes de la réglementation des Changes s’est toujours fondée sur la connaissance des mutations de l’économie nationale et internationale, sur l’impératif d’accompagner les opérateurs économiques, sur la volonté d’instaurer un climat des affaires sain et attractif et sur la conviction que le Maroc ne peut pas concevoir son avenir sans l’ouverture sur le monde.

La publication de la nouvelle version de l’IGOC s’inscrit dans le prolongement de cette vision et de cet engagement, marqueurs d’une nouvelle relation et d’un nouveau regard entre l’administration et les opérateurs économiques.

En se référant aux recommandations du Nouveau Modèle de Développement et en prenant en compte les enseignements et les défis de la crise sanitaire actuelle, l’IGOC-2022 répond aux nouvelles exigences de l’environnement économique national et international et consolide le processus de libéralisation de la réglementation des changes par l’adoption d’importantes mesures d’assouplissement et de simplification des opérations courantes et des opérations en capital.

L’objectif est de s’adapter aux nouvelles donnes de l’ordre économique mondial, d’être en cohérence avec les exigences d’un monde en perpétuelle mutation, d’accompagner la relance économique et de contribuer à l’édification d’une économie forte, attractive et plus compétitive.

Conçue selon une approche participative et inclusive, l’IGOC-2022 est la traduction la plus aboutie des attentes de toutes les différentes parties prenantes. Lors de l’élaboration de l’IGOC dans sa nouvelle version, l’Office des Changes s’est étroitement concerté avec ses différents partenaires, notamment les associations et les groupements professionnels.

Les différentes rencontres, organisées dans ce cadre, ont constitué un espace privilégié de débat, d’échange, d’analyse et de concertation. Cette approche a permis à l’Office des Changes de répondre efficacement aux attentes des opérateurs économiques en introduisant d’importantes mesures de libéralisation et de facilitation des dispositions de la réglementation des changes qui apportent davantage de souplesse et de flexibilité à leurs relations commerciales et financières avec le reste du monde.

Parmi les mesures phares introduites par l’IGOC-2022 figure le relèvement à 200 millions de dirhams du plafond autorisé pour tout investissement marocain à l’étranger et ce, quel que soit la juridiction. Ce plafond était fixé à 150 millions de dirhams, réparti entre les investissements en Afrique pour 100 millions et 50 millions pour les autres continents.

Les nouvelles dispositions apportent un appui inégalé aux Start-up nationales en mettant en place des facilités en faveur des Start-up nationales, répertoriées par l’Agence du Développement du Digital (ADD), aussi bien en matière d’investissement à l’étranger qu’en matière d’importations de services réglées par carte de paiement, en portant le montant à un million de dirhams, au lieu de 500.000 dirhams prévue auparavant.

De surcroit, l’IGOC-2022, prévoit un ensemble de mesures de facilitation et d’assouplissement pour mieux accompagner les opérateurs économiques dans la réalisation de leurs opérations à l’international.

Aussi et s’agissant de la promotion des exportations, la nouvelle Instruction prévoit un ensemble de facilitations en faveur des exportateurs marocains. Ils peuvent, ainsi, recourir aux disponibilités de leurs comptes en devises ou en dirhams convertibles pour le règlement des acomptes ou le paiement par anticipation des importations de biens et de services sans plafonnement.

Toujours au chapitre de l’accompagnement des opérateurs, l’IGOC 2022 prévoit pour les entités ne disposant pas de comptes en devises ou en dirhams convertibles une dotation dans la limite de 200.000 dirhams pour le règlement par carte de paiement internationale de leurs importations de services liées à leurs activités. Dans une logique de facilitation et d’allégement des exigences, la nouvelle Instruction a procédé à la suppression des compte rendus exigés des opérateurs économiques.

Concernant les mesures prises en faveur des personnes physiques, il convient de noter que les dernières dispositions introduites visent à accompagner les attentes, les aspirations et les évolutions comportementales des citoyens en mettant en place des mécanismes pratiques et des solutions innovantes.

Parmi les mesures introduites par l’Instruction Générale des Opérations de Change 2022, figure la mise en place d’une dotation globale pour les voyages personnels.

“La dotation pour voyages personnels” est destinée au règlement des dépenses relatives aux voyages personnels à l’étranger de toute nature: touristique, Omra et Hajj, pour soins médicaux, etc. D’un montant de base de 100.000 dirhams par an, la ” La dotation pour voyages personnels ” peut-être majorée de l’équivalent de 30% de l’IR. Le montant total ne doit pas dépasser 300.000 dirhams par personne et par année.

Il est à préciser qu’il s’agit d’un regroupement de l’ensemble des dotations accordées auparavant aux personnes physiques pour une meilleure flexibilité et un meilleur accès aux devises étrangères.

Sur d’autres volets, les nouvelles dispositions de la réglementation des changes, prises au début de l’année 2022, ont contribué à la consolidation du régime des étrangers résidents au Maroc, à la simplification des modalités et des conditions du transfert des disponibilités du compte convertible à terme, à l’assouplissement des modalités de transfert au titre du départ définitif pour les étrangers non-résidents et au renforcement du cadre avantageux mis en place en faveur des EX-MRE ayant déclaré leurs avoirs à l’étranger conformément à la loi 63-14.

3- Quelles sont les retombées souhaitées en vertu de ce nouveau dispositif aussi bien pour les particuliers que les entreprises ?

S’inscrivant pleinement dans le cadre de la politique économique du Royaume visant le soutien de l’acte d’investir, d’entreprendre et d’exporter, les nouvelles dispositions de la réglementation des changes tiennent en compte les besoins des opérateurs et les impératifs macroéconomiques.

Partant de cette vision, l’IGOC-2022 vient consolider un ensemble d’acquis en adoptant d’importantes mesures de libéralisation qui versent dans le sens de l’édification d’une économie forte et résiliente.

Indubitablement vouée à mettre en place des mécanismes pratiques et des solutions innovantes, la nouvelle Instruction affermit le caractère irréversible du processus de libéralisation de change et opère des transformations de fond pour s’adapter aux nouvelles donnes du contexte économique mondial.

Un ensemble de mesures complètes et concrètes a été adopté pour soutenir l’offre exportable nationale et donner une forte impulsion aux entreprises marocaines avec un effort particulier en direction des start-up.

L’objectif est de mieux accompagner les opérateurs et de leur permettre de gagner en compétitivité et de saisir pleinement et à temps les opportunités au sein d’une économie de plus en plus mondialisée.

Publiée dans un contexte inédit, marqué par de nombreux acquis et des défis multiples, l’IGOC-2022 prend le pari d’accompagner la relance de l’économie du Royaume en offrant, aux opérateurs économiques, davantage de souplesse et de flexibilité dans la réalisation de leurs opérations à l’international.

L’IGOC-2022, dans sa nouvelle version, apporte, également, d’importantes mesures de libéralisation et d’assouplissement des opérations de change réalisées par les personnes physiques résidentes ou non résidentes au Maroc. L’objectif étant de garantir aux Marocains tout autant que les étrangers une meilleure flexibilité et plus de facilité pour leurs différents déplacements à l’étranger et de leur accompagner dans la réalisation des transactions autorisées par la réglementation des changes en vigueur.

En mettant en place des mesures ayant trait notamment à la facilitation et à l’assouplissement, l’Office des Changes affiche clairement sa volonté de changer le rapport des Marocains avec le change.

4- En matière de réglementation des changes, comment l’Office approchera-t-il les années à venir dans ce contexte post-covid ?

Dans un contexte de crise économique d’ampleur inédite, l’économie marocaine nécessite aujourd’hui des mesures d’accompagnement fortes, à même d’engager une dynamique de relance.

En ces circonstances exceptionnelles, les réformes à entreprendre par les acteurs de la sphère économique et sociales du Royaume auront pour finalité la relance de notre économie et l’accompagnement du tissu économique national, frappé de plein fouet par une crise sans précédent comparable.

Dans cette conjoncture marquée par une crise d’une grande ampleur, l’Office des Changes s’engage, plus que jamais, à assurer amplement son rôle d’accompagnateur de l’opérateur économique marocain.

Ce contexte hors du commun est aussi le moment de nous tourner vers l’avenir dans un esprit de renouveau et de réfléchir aux moyens de consolider nos acquis. L’Office des Changes continuera, ainsi, de placer la consolidation du processus de libéralisation de la réglementation des changes au cœur de ses priorités majeures afin de soutenir et d’accompagner l’entreprise marocaine, d’atténuer les effets de la pandémie et de contribuer in fine à la relance de l’économie marocaine.

L’Office des Changes procédera, également, à la mise à niveau de ses outils de veille réglementaire en adoptant les meilleures pratiques en la matière, afin de pouvoir édicter des mesures réglementaires simplifiées.

5- L’OC avait adressé en 2019 une correspondance aux personnes physiques et morales leur rappelant des revenus encaissés entre 2016 et 2018 relatifs aux opérations d’exportations de services sans transmettre les comptes rendus y afférents. Pouvez-vous dresser un bilan de cette opération ?

Tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’après la création en 2018 au niveau du Département Supervision de l’Office des Changes d’un service dédié exclusivement au contrôle des opérations de change réalisées avec l’étranger par les personnes physiques, et suite au développement de l’activité en ligne génératrice de revenus en devises de cette catégorie de personnes, l’Office des Changes a jugé utile de procéder au contrôle de ces opérations selon une approche basée sur les risques.

En effet, conformément aux dispositions de la réglementation des changes en vigueur, les exportations de services désignent, les prestations rendues au Maroc ou à l’étranger par un résident en faveur d’un non-résident et donnant lieu à une rémunération.

Par conséquent, s’agissant de services rendus en ligne par des marocains résidents, le rapatriement des rémunérations correspondantes doit être réalisé dans un délai de 90 jours à compter de la date de réalisation de ces prestations de services.

L’action menée par l’Office des Changes a permis d’une part de sensibiliser cette catégorie de personnes et leur rappeler leurs obligations en matière de rapatriement du produit de leurs exportations de services et ce, dans un délai maximum de 90 jours après l’exécution des prestations.

Et d’autre part de sanctionner les infractions relevées dans ce cadre à l’encontre de certaines personnes physiques contrôlées, à savoir :

– Le non rapatriement du produit de ces exportations de services ;

– La constitution d’avoirs à l’étranger sans autorisation de l’Office des Changes (création de société, acquisition de biens immeubles, achat d’actifs financiers, acquisition de bitcoin et autres monnaies virtuelles…);

– L’ouverture de comptes bancaires à l’étranger que ce soit auprès d’organismes financiers réglementés ou auprès de plateformes financières (paypal, payoneer,…);

– L’utilisation du produit de ces exportations pour le paiement à l’international de leurs dépenses (compensation…);

A préciser par ailleurs, que mis à part l’objectif d’identification et de contrôle de ces opérateurs, cette action avait pour objectif, également, la mise en place, sur le plan change, d’un cadre réglementaire spécifique pour cette activité génératrice d’emplois et de revenus en devises. Ainsi, cette action a été couronnée par la publication de la circulaire de l’Office des Changes n°3/2020 portant, dans son premier article, sur les facilités de change accordées aux personnes physiques résidentes, notamment celles non inscrites au registre de commerce et disposant de revenus de sources étrangères.

Cette circulaire leur octroie la possibilité d’ouvrir des comptes en devises ou en dirhams convertibles auprès des banques marocaines où ils peuvent loger jusqu’à 70% de leurs revenus rapatriés au Maroc. Ces comptes donnent droit au bénéfice des chéquiers et des cartes de paiement internationales et leur permettent d’effectuer tout règlement à destination de l’étranger dans le cadre d’opérations courantes (dépenses personnelles et professionnelles) à l’exclusion de toute acquisition de biens immeubles, d’actifs financiers ou toute autre constitution d’avoirs à l’étranger sous quelque forme que ce soit.

A noter que les dispositions de cette circulaire ont été reprises au niveau de l’IGOC-2022.

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