À LA UNE

Interview avec Saïd Ibrahimi, DG de CFCA

Casablanca – Le Directeur général de Casablanca Finance City Authority (CFCA), Saïd Ibrahimi, dresse, dans une interview à la MAP, le bilan de dix années de réalisations de CFC et l’impact de la crise du nouveau coronavirus sur l’activité du hub financier et les entreprises membres.

M. Ibrahimi revient également sur l’adoption du décret-loi portant réorganisation de CFC ainsi que sur les perspectives pour les années à venir.

  •  Casablanca Finance City célèbre dix années de réalisations et de développement. Quel bilan faites-vous de cette décennie ?

Casablanca Finance City est aujourd’hui la première communauté d’affaires à vocation africaine. Elle a concrétisé en une décennie des avancées majeures qui en font un centre aligné sur les bonnes pratiques internationales et plus attractif que jamais. Sous l’impulsion de Sa Majesté, la vision était claire : créer à partir de Casablanca une place financière régionale puis internationale et accompagner les investisseurs internationaux dans leur déploiement en Afrique. CFC est en ce sens un véritable outil au service de la vision africaine du Royaume.

De belles réussites ont eu lieu ces dernières années, comme l’arrivée dans notre communauté de membres du fonds Africa 50, et cela dans le cadre d’un appel d’offres lancé par la Banque africaine de développement et pour lequel douze pays étaient en lice. Aujourd’hui, Africa 50 ambitionne de mobiliser 100 milliards de dollars pour le continent et a déjà permis la réalisation de grands investissements en énergie, aux côtés d’autres partenaires, notamment dans Azura-Edo IPP, la première grande centrale électrique indépendante construite au Nigeria depuis la réforme du secteur énergétique du pays, ou encore dans la centrale de Tobène, d’une capacité de 115 MW, pour la production d’électricité de base au Sénégal. Africa 50 a également pris une participation de 33 % dans la Société de Gestion de l’Aéroport de Gbessia (SOGEAG) à Conakry, en Guinée, dans le cadre d’un projet portant sur la construction et l’exploitation d’un nouveau terminal qui pourra accueillir un million de passagers par an, soit le double de sa capacité actuelle.

Nous pouvons aussi citer la présence à CFC de la direction régionale CIB de BNP Paribas. Le groupe bancaire a accompagné les clients souverains au Maroc, en Egypte, en Côte d’Ivoire et au Sénégal dans les grandes émissions de ces dernières années. Themis a lui aussi choisi Casablanca pour piloter ses activités en Afrique. Le fonds a financé la construction d’une centrale gaz à cycle combiné au Nigeria et mène actuellement des projets solaires et hydrauliques au Togo, au Kenya, au Cameroun et à Madagascar.

Sur un plan plus quantitatif et depuis 2016, la contribution fiscale des membres CFC est passée de 340 millions de dirhams à 940 millions de dirhams. Au cours de la même période, ces membres ont permis la création cumulée de 6.690 emplois permanents.

  • Combien d’entreprises, marocaines et étrangères, sont labellisées CFC ? Quels sont les pré-requis que vous exigez ?

Plus de 200 entreprises sont aujourd’hui membres de CFC. Depuis Casablanca, elles sont présentes dans 50 pays en Afrique. Nous comptons parmi nos membres de nombreux leaders internationaux présents dans le classement Fortune 500. Dans le détail, cette communauté regroupe 39 % d’entreprises marocaines opérant à l’international, 41 % d’entreprises européennes, 9 % d’entreprises asiatiques et 9 % d’entreprises américaines. De nouveaux pays ont récemment intégré cette communauté avec l’arrivée de Posco, première entreprise coréenne et numéro deux mondial de l’acier, mais aussi d’Agrolats, première compagnie lettone et balte, et Creditinfo, première entreprise islandaise.

L’offre de CFC s’adresse par définition aux entreprises dédiées à l’Afrique avec un certain nombre de critères d’éligibilité. Ces entreprises doivent tout d’abord être dirigées et gérées depuis CFC, il est également impératif que leur dirigeant réside au Maroc et ait une expérience à l’international. Enfin, ces entreprises doivent apporter une valeur ajoutée qui contribue au développement de la place financière.

  • Comment CFC a vécu la crise du nouveau coronavirus ? Quel impact sur l’activité de la place et ses entreprises membres ?

Dès le début de la crise sanitaire, toutes les précautions nécessaires ont été prises. Nous avons rapidement transformé nos événements mensuels physiques en webinaires. Nos activités de promotion hors des frontières du Maroc ont été ralenties, néanmoins nos équipes ont poursuivi leurs projets et ont maintenu la relation avec les prospects et partenaires en s’appuyant sur le télétravail et les outils de travail collaboratifs. La tour CFC First est restée constamment ouverte et nous avons veillé à mettre en place des procédures et mesures sanitaires strictes pour la sécurité de tous.

S’agissant des entreprises qui ont le statut CFC et dans le cadre de la pandémie, certains aident les acteurs publics et privés du continent pour des plans de redressement, de relance ou de sortie de crise. D’autres sont approchés pour penser et proposer des solutions technologiques innovantes. L’impact de la pandémie sur notre communauté d’entreprises a fluctué selon les secteurs. L’hôtellerie et l’aviation ont par exemple été durement touchées. A contrario, les télécoms et les cabinets juridiques ont eu une activité soutenue. Nous avons réalisé un sondage auprès de nos membres et leurs retours indiquent une baisse du chiffre d’affaires global de l’ordre de 20% à 25% entre 2019 et 2020.

  • L’année dernière a connu l’adoption d’un décret-loi portant réorganisation de CFC. Quels sont ses principaux apports ?

CFC a mené une réforme importante de son cadre législatif et réglementaire suite à l’adoption de plusieurs textes législatifs, dont le nouveau décret-loi, son décret d’application, ainsi que les lois de finances 2020 et 2021. Ces changements ont été opérés dans la perspective d’améliorer l’attractivité de l’offre CFC et de supprimer toutes les caractéristiques susceptibles d’être considérées comme potentiellement dommageables par l’OCDE. En février 2021, une réunion du Conseil de l’UE s’est tenue au cours de laquelle le régime de CFC a été examiné. À l’issue de cette réunion, le Maroc a officiellement été retiré de la liste grise de l’UE.

Sur le plan réglementaire et avec l’adoption au BO du 1er octobre 2020 du décret-loi et de son décret d’application, datant du 24 décembre 2020, les entreprises membres actuelles ou à venir bénéficient d’un large éventail de changements qui leur sont bénéfiques et qui renforcent l’attractivité de la place financière. Le statut CFC a été élargi à six nouvelles activités : les sociétés d’investissement, les organismes de placement collectif, les conseillers en investissement financier désormais réglementés, les sociétés et plates-formes de crowdfunding, les sociétés de négoce et les sièges régionaux pouvant facturer des biens et des services intra et extra groupe. Cet élargissement permettra à CFC de capter plus d’investissements. Par ailleurs, cette réforme prévoit de nouvelles règles de conformité pour les entreprises CFC. Au niveau de la gouvernance, la réforme inclut enfin une simplification du process d’octroi du statut CFC. Le traitement des dossiers s’en trouve réduit à 30 jours ouvrables.

Sur le plan fiscal, la réforme s’est traduite par la mise en place d’un régime uniformisé avec un taux unique de 15 %, au lieu de trois taux différents dans l’ancien régime, applicable sans distinction aux activités à l’export et aux activités locales. Ce nouveau régime offre également une exonération quinquennale sur le résultat fiscal et une exonération permanente de l’IS retenu à la source pour les personnes morales sur les dividendes distribués. Pour les anciens membres de CFC, qui ont obtenu leur statut avant le 1er janvier 2020, la période de transition pour passer à ce nouveau régime fiscal est fixée au 31 décembre 2022.

  • Vous avez signé récemment une convention avec le Financial Services Development Council (FSDC). Quelles sont vos ambitions à travers ce partenariat ?

Casablanca Finance City Authority (CFCA) et la place financière de Hong Kong représentée par le Financial Services Development Council (FSDC), qui compte parmi les centres financiers leaders à l’échelle internationale, ont officialisé leur collaboration en établissant les bases pour un échange des meilleures pratiques en matière de développement de l’industrie financière entre Casablanca et Hong Kong. Cette coopération a pour but de faciliter le développement et le partage d’expertise dans le cadre de l’éducation financière, de programmes de formation, d’échanges et de visites de délégations business de haut niveau, et cela afin de fournir aux entreprises et aux opérateurs économiques une base solide pour massifier davantage les investissements et les échanges entre l’Asie, le Maroc et les pays africains.

  • Quid des perspectives et projections pour les années à venir ?

Nous sommes dans un environnement mouvant et dans une compétition internationale de plus en plus forte. Pour maintenir notre leadership, nous allons tester de nouveaux modes de prospection et de rencontre. Nous allons aussi poursuivre l’élargissement de notre communauté de membres, renforcer notre empreinte africaine et continuer de rayonner en densifiant notre réseau de partenaires mondiaux.

La finance verte et les fintechs restent au cœur de notre stratégie. CFC s’est très tôt engagé dans la promotion de la finance verte et durable en Afrique et nous travaillons à faire de même et à asseoir notre positionnement sur les fintechs qui sont une voie de développement majeure et primordiale. Nous sommes convaincus que l’avenir de la finance passera par leur intégration car elles apportent leur part d’innovation, d’agilité, de changement de paradigmes et permettent de toucher de nouvelles cibles.

Enfin, nous allons continuer le développement et la massification de la place physique CFC au cœur du nouveau quartier d’affaires de Casablanca. La tour CFC First est opérationnelle et deux autres immeubles de grande qualité architecturale compléteront prochainement notre offre à destination de la communauté de nos membres. En dix ans, nous avons su ramener les meilleurs prescripteurs et nous continuerons à le faire en nous appuyant sur le nouveau cadre législatif et réglementaire de CFC.

Voir aussi:

Samsung lance la campagne “Bienvenue à l’IA ce Ramadan”

Zineb Bouazzaoui

BAM: le plan stratégique 2024-2028 mise sur une progression “mesurée” et prudente” (M. Jouahri)

Manal Ziani

BMCE EuroServices élargit ses solutions de transfert d’argent

Hicham Louraoui