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Journée de la Douane: Interview avec Larbi Belbachir

Larbi Belbachir, ancien haut fonctionnaire à l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) et expert en lutte contre la fraude et le trafic illicite des stupéfiants vient de publier le second tome de l’ouvrage, intitulé “Les Douanes aux frontières du numérique : Mutations, risques et moyens d’action”. A cette occasion, M. Belbachir, ayant exercé près de quarante ans au sein des douanes marocaines, accorde une interview à la MAP, où il jette la lumière sur ce deuxième tome qui dépasse la réflexion sur l’infraction numérique abordée dans le premier ouvrage pour engager le débat autour des défis que pose le contrôle des transactions électroniques transfrontalières et du transfert des données à caractère économique et sécuritaire.

Ce second volet est publié dans le sillage de la Journée mondiale des Douanes, célébrée jeudi, sous le thème “accompagnement de la nouvelle génération: promouvoir le partage des connaissances et renforcer la fierté de la profession douanière”.

– La Journée mondiale des Douanes est célébrée le 26 janvier. Vous publiez à cette occasion le second tome de l’ouvrage, intitulé Les Douanes aux frontières du numérique : Mutations, risques et moyens d’action. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Tout simplement parce que la fraude a évolué. Elle est passée d’un format disons classique, comme la contrebande, à une version plus sophistiquée réalisée au moyen de procédés informatiques et électroniques notamment dans le cadre de transactions transfrontalières. Je pense en particulier à l’e-commerce qui a supprimé la notion de barrière physique, rendant en quelque sorte caduc le principe même des frontières.

La nature de la fraude a aussi changé. Les articles sous-évalués, la contrefaçon ou le trafic de voitures volées ont cédé la place à des transactions qui se négocient sur des marchés bien plus obscurs, comme le Darknet.

Cette situation nécessite pour les douanes marocaines de faire évoluer en permanence ses moyens juridiques et technologiques afin qu’ils soient adaptés aux cybermenaces. Car l’adoption de l’outil informatique en douane, si elle est effective depuis des décennies à travers le dépôt des déclarations douanières et leur traitement par voie électronique, a très vite été confrontée à des violations de tous genres telle que la manipulation des données automatisées tenant aux marchandises et véhicules en admission temporaire.

Ce livre, qui constitue le second volet d’un précédent ouvrage sorti en 2020, offre ainsi au public des clés de lecture afin d’aider à mieux saisir ce phénomène et en comprendre les enjeux.

En 2021, l’e-commerce représentait un cinquième des ventes au détail dans le monde. D’ici trois ans, ce sera le quart. Le défi est non seulement d’actualité mais global.

– Quels sont les principaux enseignements à retenir de votre livre ?

J’en retiens deux principaux. Le premier, dans le contexte que nous connaissons avec la généralisation des technologies numériques, c’est que le risque touche tous les acteurs impliqués dans le commerce électronique: aussi bien les consommateurs que les producteurs, les vendeurs, les administrations, les gouvernements et plus largement les Etats.

Pour le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, les nouveaux risques vont jusqu’à “remettre en cause la notion même de vie privée”. L’impact du commerce électronique est profond et ses ramifications peuvent toucher chacun de nous.

Kunio Mikuriya, le secrétaire général de l’Organisation mondiale des douanes, a ainsi rappelé l’urgence de “sécuriser le commerce transfrontalier contre la criminalité, y compris contre le terrorisme international qui continue de frapper les populations à travers le globe”.

Le second enseignement, c’est que les cyberfraudeurs réagissent très rapidement aux évolutions des législations, des règlements et des moyens de contrôle et de surveillance.

Les douanes marocaines ont mis en place des protocoles avec les opérateurs des services postaux, et elles s’appuient sur un ciblage automatique efficace qui permet d’identifier à partir de critères préétablis les envois présentant un risque potentiel, mais le code des douanes date de 1977 et l’adoption des dispositions répressives liées à la fraude informatique remonte aux années 1980.

Cela fait donc plus de trente ans que les textes n’ont pas connu de véritable évolution. Or, l’adaptation du droit est essentielle pour aussi permettre de lutter à armes égales contre la cyberdélinquance.

– Dans votre livre, vous rendez un hommage appuyé au travail des douanes marocaines tout en soulignant que des modèles existent à l’étranger dont elles peuvent s’inspirer. A quels pays pensez-vous ?

Il y en a plusieurs. En Europe, en Asie et sur le continent américain, des pays ont développé de véritables cyberlégislations douanières taillées sur-mesure pour contrer la cyberdélinquance.

Dans ce livre, j’ai cependant voulu faire référence à un pays qui nous est proche et qui constitue à mon sens un exemple: le Sénégal, avec lequel le Maroc entretient une relation modèle au niveau interafricain.

Ces dernières années, les autorités sénégalaises ont considérablement facilité le travail de leurs douanes en apportant des solutions qui permettent la lecture et le décryptage des données informatiques saisies, ou encore en autorisant leurs agents à procéder à des investigations numériques inédites et approfondies, à procéder à des livraisons surveillées voire à infiltrer les réseaux de trafiquants.

Enfin, ce second tome qui puise dans de nouveaux benchmarks, dépasse la réflexion sur l’infraction numérique abordée dans mon premier ouvrage pour engager le débat autour des défis que pose le contrôle des transactions électroniques transfrontalières et du transfert des données à caractère économique et sécuritaire.

Pour résumer, l’humain et la technologie ne s’opposent pas. Mais rien ne peut remplacer le flair douanier.

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