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La BSG pour une relance égalitaire et durable

Casablanca, La crise sanitaire a eu des incidences économiques et sociales inédites sur tout le monde, particulièrement sur les femmes, et risque même de creuser le fossé des inégalités de genre. Dans un tel contexte, la budgétisation sensible au genre (BSG) trouve toute sa pertinence en vue de jeter les bases d’une relance économique inclusive profitant à la fois aux hommes et aux femmes.

Le Maroc se montre, à cet égard, fermement engagé dans la voie d’application et d’appropriation de la BSG qui a atteint un nouveau palier de maturité considérable comme en atteste la diffusion de la circulaire du Chef de gouvernement du 11 mars 2020.

Cette lettre exhorte les départements ministériels et les établissements et les entreprises publics à prendre en compte la dimension genre dans leurs exercices de programmation budgétaire triennale au titre de la période 2021-2023, en y intégrant leurs Plans d’Action Sectoriels à Moyen Terme cadrant la mise en œuvre de leurs engagements pris dans le cadre du Plan Gouvernemental pour l’Egalité (PGE II).

“L’affermissement de l’engagement et de la mutualisation des efforts en faveur d’une programmation sensible au genre constitue le choix opérationnel à même d’ouvrir des perspectives post Covid-19 dont les fondements sont l’égalité et l’équité”, souligne-t-on dans le Rapport sur le Budget axé sur les Résultats et tenant compte de l’aspect Genre accompagnant la Loi de Finances 2021.

Les inégalités de genre: quel état des lieux ?

Le Maroc a engagé ces dernières années une série de réformes en faveur de la protection et de la promotion des droits des femmes. Il s’agit notamment de révisions législatives, de la mise en place de mesures et politiques pour accroître la représentation politique des femmes ainsi que des expériences pionnières d’institutionnalisation de l’égalité de genre dans certains départements, outre une expérience pilote de BSG.

Malgré toutes ces avancées réalisées notamment depuis la réforme de la Constitution en 2011, la situation en matière d’équité et d’égalité de genre laisse à désirer. Avec un taux d’activité des femmes en nette décélération et un faible taux d’emploi malgré les efforts consentis jusqu’à présent, les disparités persistent et risquent de se creuser davantage à cause des répercussions de la crise du covid-19.

D’autres défis restent à relever, particulièrement, ceux liés à la faiblesse de l’accès des femmes aux opportunités économiques, induisant des pertes en points de croissance.

Le taux de féminisation des postes de responsabilité demeure, pour sa part, faible, variant autour de 21 %, selon l’Observatoire Genre de la fonction publique.

D’après une étude de la Direction des études et prévisions économiques (DEPF), le Maroc accuse non seulement un retard par rapport aux niveaux mondiaux de participation des femmes à la population active, mais il enregistre également une tendance inverse, avec une réduction du taux d’activité, passant de 30,4% en 2000 à 21,5% en 2019.

Cette tendance est attribuable, selon la même source, à la conjoncture économique mais également à d’autres facteurs structurels, au regard du fait que sur la même période, les taux d’emploi et d’activité des hommes n’ont reculé que de 4% et de 10% respectivement.

Les résultats obtenus font état de l’existence d’une certaine complémentarité entre l’emploi masculin et l’emploi féminin dans la fonction de production industrielle nationale, ce qui justifierait l’utilité d’une politique de réduction des écarts d’emploi entre sexes, constate l’étude.

La BSG: entre progrès et défis

Parmi les mesures phares adoptées par le Maroc dans ce sens, figure la BSG, lancée dans les années 2000, qui a permis d’inscrire la lutte contre les inégalités au sein des politiques publiques et l’allocation d’un budget à ces dernières.

En fait, la BSG est une technique de budgétisation publique qui permet non seulement que les budgets publics puissent bénéficier à tous les citoyens et citoyennes mais également qu’une part de ces derniers soit allouée à des programmes qui réduisent les inégalités hommes/femmes et permettent ainsi un développement socio-économique inclusif et durable.

Il ne s’agit pas pourtant d’un budget distinct selon le genre, mais plutôt d’un outil statistique et budgétaire qui permet de déterminer les crédits attribués aux femmes, aux enfants, à la réduction des inégalités spatiales, à régler les problèmes liés aux soucis environnementaux et autres.

En d’autres termes, ce mécanisme consiste à associer aux programmes budgétaires publics des objectifs et des indicateurs de résultat et d’impact en matière de réduction des inégalités homme-femme et à garantir une mise en place effective des programmes budgétaires visant la réduction de ces inégalités via un pilotage par des indicateurs.

En vertu de la loi organique 130-13 relative à la loi de finances, la mise en oeuvre de la BSG est devenue une obligation pour tous les départements ministériels et les collectivités territoriales du Royaume.

L’article 30 de ladite loi oblige également les départements ministériels à présenter leurs budgets par régions afin de déceler l’effort budgétaire global de l’Etat en termes de réduction des disparités territoriales.

Pour assurer la mise en œuvre et le suivi de ce mécanisme, il a été procédé à la création en février 2013 au sein du ministère de l’Économie et des Finances, du Centre de l’Excellence pour la Budgétisation Sensible au Genre (CE-BSG), le premier aux niveaux africain et arabe.

Dédié à la création et au partage des connaissances, le Centre a pour missions la capitalisation du savoir acquis, l’approfondissement et la rénovation conceptuelle et le renforcement de l’appropriation de la BSG de la part des acteurs étatiques et non étatiques en charge des processus de planification et de mise en œuvre des politiques publiques.

La réussite de la BSG reste tributaire d’un certain nombre de facteurs clés, dont la forte adhésion et mobilisation de l’ensemble des acteurs, la mise en place de comités de pilotage au sein des départements ministériels et la sensibilisation à la culture de parité et d’égalité.

Ce processus, qui sert aussi d’outil d’évaluation utile pour analyser l’efficience des politiques publiques envers les femmes, fait face à de nombreux défis liés notamment la communication autour de ce concept, la mise en place d’un système d’informations pour la prise en charge de l’aspect genre et l’association des objectifs et indicateurs sensibles au genre aux programmes des politiques publiques.

Il s’agit ainsi de sensibiliser et de renforcer les capacités des gestionnaires publics en matière de BSG ainsi que la mesure et l’évaluation de l’impact de ce processus.

La mise en place d’indicateurs et de moyens spécifiques de mesurer les progrès s’avèrent aussi nécessaires afin de juger de manière appropriée l’efficacité de ce mécanisme.

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