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L’assurance vie au défi des taux bas

– Par Salma EL BADAOUI –

Casablanca – Face à une tendance baissière des rendements financiers relatifs aux placements affectés aux opérations d’assurance, sous l’effet conjugué de la chute des cours en bourse et de la baisse des taux obligataires et des dividendes distribués, la branche vie, principale composante de l’assurance au Maroc, sera sans aucun doute soumise à rude épreuve.

En effet, la régression des taux de rendement des compagnies d’assurance, suite aux effets de la crise sanitaire, engendrera des difficultés pour les assureurs vie à garantir une rémunération attractive des produits d’épargne et de capitalisation comme cela a été le cas de par le passé.

Dans ce sens, le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, a affirmé lors de de la 7ème édition du Rendez-vous de Casablanca de l’Assurance, que “l’un des défis importants auxquels fait face l’industrie de l’assurance aujourd’hui est le niveau bas des taux d’intérêt”.

“On oublie ou on l’ignore souvent, mais une baisse des taux n’a pas que des conséquences positives. Elle permet certes de relancer la demande et l’investissement, mais a également un impact néfaste sur l’épargne”, a souligné le gouverneur de la Banque centrale.

Dans le contexte national, a-t-il soutenu, “les taux bas conjugués à l’étroitesse du marché boursier constituent un véritable défi pour le développement de l’épargne et de certains segments de l’assurance, des enjeux dont nous sommes bien conscients à la Banque centrale, et qui font partie des critères d’élaboration des décisions de politique monétaire”.

Dans ce sillage, Hicham Abouyoub, expert en banque, assurance et finance participative, a relevé, dans une déclaration à la MAP, que la tendance baissière va s’accentuer à moyen terme dans la mesure où les compagnies d’assurance, compte tenu du rythme soutenu de la collecte de primes, détiendront dans leurs portefeuilles d’actifs respectifs de moins en moins de titres obligataires à taux élevés et de plus en plus d’actifs investis aux conditions actuelles du marché.

Selon lui, les produits d’assurance vie, dans leur quasi-majorité, ont été conçus dans un contexte de taux élevés offrant ainsi une double garantie du capital et d’un rendement minimum, avec des frais d’acquisition assez élevés, le plus souvent prélevés sur la participation aux bénéfices au même titre que les frais de gestion.

Le contexte financier actuel, a-t-il renchéri, représente un nouveau défi pour le secteur de l’assurance en particulier pour les assureurs vie qui doivent valoriser leurs engagements futurs sur la base de taux d’actualisation qui ne cessent de baisser, ce qui les astreint à augmenter leurs provisions.

En outre, la demande continuera à s’accentuer dans les prochaines années avec l’allongement de l’espérance de vie et l’attractivité du cadre fiscal actuel particulièrement favorable pour les produits d’épargne retraite, dont la liquidation se fera de plus en plus sous forme de rentes viagères réversibles, a estimé M. Abouyoub, notant que certains acteurs du marché ont déjà anticipé cette tendance baissière des taux, en commercialisant des contrats à capital variable libellés en unités de compte.

“Dans ce cas, l’assuré assume entièrement le risque financier à la hausse comme à la baisse, tout en bénéficiant du cadre fiscal attractif de l’assurance vie”, a fait savoir l’expert, expliquant que les contrats en unités de compte ou multi-supports constituent une réelle opportunité pour pérenniser le développement de l’assurance vie au Maroc, toutefois cela prendra un temps très long avant que les encours des contrats en fonds dirhams ne soient totalement transformés en unités de compte.

Au regard des indicateurs du secteur, l’assurance vie demeure la principale composante du secteur des assurances, avec une collecte de primes de l’ordre de 20,5 milliards de dirhams (MMDH), soit 45% du total des primes émises en 2020. Force est de constater que tout le modèle économique de l’assurance vie est “à repenser”.

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