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Melkisation: Des terres pour cultiver des ambitions féminines

Par Safaa Bennour.

Dans la commune de Sidi Moussa à la province d’El Kelaâ des Sraghna, a vu le jour la coopérative de Hasna, une jeune soulaliyate imbue de l’épanouissement des femmes de sa région. Le programme “Foncier rural”, porté par l’Agence Millennium Challenge Account-Morocco (MCA-Morocco), est venu entretenir et faire grandir l’ambition.

“Mon souci majeur est de contribuer au développement de ma région et à l’amélioration de la situation de ses femmes. J’ai plein d’idées que j’aimerais concrétiser afin de générer des emplois et des opportunités”, confie à la MAP la trentenaire qui dirige une équipe de 6 femmes, toutes engagées dans la fabrication du couscous traditionnel.

Dans une interview à l’occasion de la journée internationale des femmes, Hasna énumère avec joie et enthousiasme les opportunités et les connaissances que lui ont été offertes à travers l’accompagnement et la formation dans le cadre de l’activité “Foncier rural”, issue du programme de coopération “Compact II”, fruit d’une coopération entre le Gouvernement du Maroc et celui des Etats-Unis, à travers le Millennium Challenge Corporation (MCC).

Le programme s’inscrit, en effet, dans le cadre de la concrétisation par le Royaume des Hautes Orientations Royales visant à faire des terres collectives un levier de développement économique et social en milieu rural, en général, et à l’activation de la “melkisation” à titre gracieux de celles qui sont situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation.

C’est en sens que l’activité “Foncier rural”, qui vise à “melkiser” 66.000 Ha de terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation du Gharb et du Haouz au profit des ayants droit, œuvre à la mise en place d’un modèle de développement des terres collectives dans ces périmètres pour lutter contre la pauvreté en milieu rural.

Doté d’un budget de 33 millions de dollars, ce projet a pour finalité d’assurer une meilleure valorisation des terres “melkisées”, mais aussi de réussir un développement inclusif de la population cible en favorisant sa qualification et son autonomisation, tout en tenant compte des préoccupations environnementales, sociales et de genre.

Au milieu du déploiement multiforme de cette stratégie socio-économique, Hasna se démarque aux côtés de ces 104.800 agriculteurs et agricultrices qui ont bénéficié du programme de renforcement des capacités dans le cadre de la “melkisation”.

Non seulement, 15 projets d’entrepreneuriat agricole de femmes et de jeunes ont été sélectionnés pour bénéficier d’un soutien financier et seront accompagnés dans leur mise en œuvre grâce notamment au programme “Foncier rural” et l”Office national du conseil agricole (ONCA).

Hasna estime que ce n’est pas un hasard que dans sa région, où la création de coopératives était réservée aux hommes, connaît une percée féminine en l’occurrence grâce à cette opération de “melkisation” et aux différentes activités d’accompagnement et de sensibilisation menées en parallèle. Mieux encore, des femmes rurales de la région sont de plus en plus nombreuses à fonder et gérer des coopératives qui mettent en valeur le terroir intrinsèque de la région.

Par ailleurs, l’activité “Foncier rural” prévoit l’élaboration d’une procédure optimisée en termes de coûts, de délais et de résultats sociaux pour la “melkisation” des terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation.

Plus précisément, il s’agit du déploiement de cette nouvelle procédure optimisée, à titre pilote, sur près de 66.000 Ha de terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation : 51.000 Ha dans le site pilote du Gharb (Provinces de Kénitra, Sidi Slimane et Sidi Kacem) et 15.000 Ha dans le site pilote du Haouz (Province d’El Kelaâ des Sraghna).

Pour rappel, la “melkisation” régie par la loi n° 64.17 est un processus qui vise la transformation de la propriété dans l’indivision des terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation en propriétés privées de 5 Ha (surface minimum d’exploitation).

Saida Zihar, une fine connaisseuse des rouages de ce processus, est activement engagée en tant que Adoul dans l’établissement des actes d’héritage dans la province de Kénitra.

“Grâce à mon métier, qui était d’ailleurs exclusivement réservé aux hommes jusqu’à ces quelques dernières années, je contribue avec fierté et engagement à cette opération de melkisation”, affirme Saida, Adoul à la Cour d’appel de Kénitra pour qui la “melkisation” aura des impacts économiques et sociaux importants sur la population cible.

L’objectif ultime, dit-elle, est de réussir la formalisation des droits fonciers des ayants droit et la dynamisation du marché foncier, mais aussi assurer l’autonomisation des agriculteurs et agricultrices en faisant du foncier un véritable levier de croissance et de stimulation de l’investissement et de l’emploi.

Mais au-delà de ces aspects techniques et professionnels, Saida, fraîchement diplômée de l’Institut Supérieur de la Magistrature, regarde avec admiration l’afflux important de ces femmes soulaliyates qui viennent manifester leur intérêt pour les terres collectives, après avoir eu gain de cause, jouissant désormais de leurs droits fonciers au même titre que les hommes.

Même son de cloche chez Meryen Bentaleb, animatrice pour l’accompagnement à l’établissement des actes d’héritage dans le cadre du projet “Foncier rural” qui témoigne d’un engouement très particulier chez les femmes concernées par l’opération de “melkisation”.

Cette opération , explique-t-elle, garantit la sécurisation des droits fonciers de ces femmes et leur confère leur droit aux terres collectives tout en leur ouvrant la voie vers la réalisation de projets d’investissement dans le milieu rural.

Elle fait également savoir que la procédure de “melkisation”, mise en œuvre de manière participative avec toutes les parties prenantes, s’articule autour de plusieurs étapes essentielles dont l’administration d’une enquête parcellaire et des ménages (qui aboutit aux états et plans parcellaires et permet d’identifier les bénéficiaires) et la création du lotissement (de l’avant-projet de lotissement au plan définitif de lotissement, à l’implantation des bornes et l’installation des bénéficiaires).

Aussi, la réalisation de l’opération pilote de “melkisation” des terres collectives repose sur la mise en œuvre de mesures d’accompagnement, à travers des programmes ciblés d’alphabétisation fonctionnelle, de renforcement des capacités des agriculteurs et agricultrices ou encore de facilitation de leur accès aux financements, ajoute-t-elle.

Pour la mise en œuvre des mesures d’accompagnement, trois accords ont été conclus avec l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Analphabétisme (ANLCA), l’ONCA et le Groupe Crédit Agricole du Maroc (GCAM), a-t-elle précisé.

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