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OPCI/PLF-2023: Cinq questions à Youssef Salihi, Expert-Comptable et Commissaire aux Comptes

 

– Propos recueillis par Zin El Abidine TAIMOURI-

Casablanca  – Youssef Salihi, expert-comptable DPLE, Commissaire aux comptes et associé gérant du Cabinet Audexal, décrypte, dans une interview à la MAP, les nouvelles dispositions du projet de loi de finances (PLF-2023) relatives aux Organismes de placement collectif immobilier (OPCI).

1 – Comment évaluez-vous la dynamique du marché des OPCI à la lumière des dernières statistiques de l’AMMC ?

Les OPCI ont toujours le vent en poupe, en témoigne les dernières statistiques de l’AMMC : 43 OPCI agrées, dont 22 en 2022, pour un actif net de 43 milliards de dirhams (MMDH), soit une progression de presque 100% depuis le début de l’année et ce, malgré une conjoncture économique morose. Il en résulte que la dynamique observée depuis la naissance de cette industrie est maintenue à la fin du T3-2022.

Aussi, à la lumière de ces derniers indicateurs mensuels du marché des capitaux, nous sommes actuellement à presque 22% du potentiel de l’industrie évalué à 200 MMDH, soit l’équivalent de 15% de l’assiette immobilière et près de 20% du PIB.

Il est à rappeler que le potentiel précité comprend uniquement l’immobilier professionnel, le résidentiel étant éligible également au dispositif OPCI, c’est-à- dire le bel avenir qui attend cette industrie.

2 – Quels avantages offrent les OPCI par rapport aux autres produits d’épargne ?

L’effervescence autour des OPCI en comparaison avec les autres classes d’actifs s’explique par ses multiples vertus.

De prime abord, les acteurs économiques disposant d’un patrimoine immobilier dense et dilué ont jeté leur dévolu sur les OPCI afin de repenser leur stratégie immobilière sans douleur fiscale. A ce titre, les OPCI ont été perçus comme une alternative aux foncières permettant de financiariser l’immobilier et par ricochet apporter plus de liquidité et de transparence au secteur.

Aussi, cette effervescence s’explique par la nature de ce véhicule. En effet, dans un pays qui reste très attaché à la pierre, les OPCI présentent une alternative intéressante aux autres produits d’épargne. L’objectif étant de flécher l’épargne et les épargnants vers le secteur immobilier en mal de financement avec à la clé des rendements alléchants, oscillant entre 6% et 7%.

Mais force est de constater que la fiscalité attrayante de ce véhicule est l’un des principaux moteurs de son essor.

3 – Quelles sont les mesures phares du PLF-2023 relatives aux OPCI ?

En premier lieu, le PLF 2023 apporte un ajustement substantiel et inespéré au régime dérogatoire temporaire, en vertu duquel les opérations d’apport de biens immeubles à un OPCI se font, sous réserve du respect de certaines conditions, sans frottement fiscal immédiat. Ainsi, si l’on souhaite apporter un bien immeuble à un OPCI, ladite plus-value bénéficie d’une imposition différée jusqu’au moment de la cession totale ou partielle des titres représentatifs d’apport.

Par ailleurs, le bénéfice des avantages de ce régime est subordonné au respect d’un certain nombre de conditions. Outre les conditions de forme, l’apport des biens immeubles doit être effectué par des personnes morales soumises à l’IS ou par des personnes physiques entre le 01/01/2018 et le 31/12/2022.

A ce titre, si les plus optimistes des acteurs de l’industrie espéraient une reconduction pure et simple du régime dérogatoire temporaire à presque deux mois de son expiration afin de perpétuer la dynamique observée en 2022, le PLF 2023 propose l’instauration de ce régime de manière permanente et ce en introduisant l’article 161 quinquies relatif au régime incitatif applicable aux opérations d’apport des biens immeubles à un OPCI.

En revanche, l’amendement proposé dans cette mouture du PLF 2023 en relation avec les dividendes versés par les OPCI aux personnes morales soumises à l’IS a été perçu par les acteurs de l’industrie comme une douche froide susceptible de refroidir l’attrait pour ce type de véhicule. En effet, conformément aux dispositions fiscales en vigueur, les dividendes versés par les OPCI aux personnes morales soumises à l’IS bénéficient d’un abattement de 60%.

En ce sens, le PLF 2023 propose d’abroger cette disposition et d’imposer totalement lesdits dividendes entre les mains des bénéficiaires personnes morales soumises à l’IS. Il s’agit d’une véritable surprise, d’autant plus que le résultat réalisé par l’OPCI, lequel est tenu de respecter les minimas de distribution n’est pas diminué des amortissements.

Ainsi, en comparaison avec une foncière dont le fonctionnement est presque identique à un OPCI, en plus de bénéficier de l’amortissement des biens immeubles, les dividendes versés aux personnes morales soumises à l’IS bénéficient d’un abattement de 100%.

4 – Quelles appréciations faites-vous des implications de ces mesures sur l’industrie des OPCI ?

Si la première disposition relative à l’instauration de manière permanente du régime dérogatoire a été inespérée et s’inscrit pleinement dans cette perspective de maintenir la dynamique observée ces dernières années, la deuxième mesure fait beaucoup jaser et risque de ralentir l’envol de ce véhicule en plein élan.

Concrètement et en tant que conseiller, nous avons observé un attentisme inhabituel de la part des investisseurs qui ont entamé, avant le PLF 2023 des réflexions autour d’investissements en OPCI et qui souhaitent maintenant temporiser dans l’attente de la loi de Finances définitive.

Bien qu’actuellement, parmi les objectifs majeurs des OPCI est d’attirer les investisseurs et les épargnants vers le marché immobilier, la volatilité du régime fiscal de ce véhicule est un signal négatif qui risque d’altérer la confiance.

5 – Quelles sont vos recommandations pour la libération du plein potentiel des OPCI ?

A trois années seulement de leur lancement, l’abrogation pure et simple de la disposition fiscale phare relative à l’abattement de 60% appliqué aux dividendes perçus par les personnes morales soumises à l’IS doit être revue.

A notre avis, tout en étant conscient de la complexité de la période que nous traversons nécessitant la contribution de tous à l’effort collectif, cette disposition risque au contraire de freiner l’élan d’une industrie qui a permis depuis son lancement de générer des recettes fiscales supplémentaires (e.g. droits d’enregistrement et droits de conservation foncière sur les mutations de biens immeubles).

A notre avis, s’agissant d’une industrie naissante, elle gagnerait en crédibilité avec la stabilisation de son régime fiscal. L’objectif étant d’accompagner le développement des OPCI pendant cette période embryonnaire.

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