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Pandémie… C’est la ruée vers l’or !

Par Zakaria Belabbes

Rabat- 26/10/2020 (MAP), Après la crise économique mondiale de 2008, le cours de l’or avait battu des records. Les investisseurs s’étaient empressés en foule sur le métal jaune pour tenir à l’abri une partie de leurs avoirs en attendant la fin d’une tempête économique qui battait de plein fouet le monde.

La crise du coronavirus semble envoyer un signal similaire. Après une baisse rapide lors du krach boursier de la mi-mars, la valeur du métal jaune a bondi une nouvelle fois, dépassant le précédent record qui était de 1.550 dollars l’once pour la première fois depuis six ans, et cela après l’afflux massif des investisseurs vers des actifs sûrs.

L’ultime recours en cas de crise

Les “valeurs refuges” sont classiquement recherchées pendant les crises économiques. Au moment où la plupart des actifs voient leur valeur diminuer (surtout les produits financiers), elles constituent des placements convoités en raison de leur stabilité. Particuliers et investisseurs sont enclins à “confiner” une partie de leur patrimoine en y investissant.

Parmi ces “valeurs refuges”, l’or caracole habituellement en tête lors des récessions et crises boursières. C’est ce que tendent à confirmer deux chercheuses françaises en économie, Virginie Coudert et Hélène Raymond, dans leur article intitulé “L’or est-il une valeur refuge pendant les récessions et les crises boursières ?” daté de 2012. Dans une analyse de l’évolution comparée des cours et rendement des actions et de l’or en période de crise, ces auteurs constatent que “la corrélation entre l’or et les actions, déjà proche de zéro en période tranquille, tend à diminuer encore pendant les crises, ce qui permet de reconnaître à l’or sa valeur refuge”.

Ces chercheuses expliquent que l’or constitue une méthode de couverture intéressante pour les actionnaires dans la plupart des cas. “Malgré ses faibles rendements sur le long terme, l’or fait partie des actifs les plus attractifs pour diversifier un portefeuille d’actions, notamment en temps de crise”, précisent-elles.

L’ascension vertigineuse du métal jaune

Selon un rapport publié par “Bloomberg”, le prix de l’once d’or tournait autour de 36 dollars en 1970, alors qu’il dépasse actuellement les 2.000 dollars, soit 45 fois plus.

À cet égard, l’analyste financier Stefano Bottaioli affirme dans un entretien à BAB que l’or n’a pas encore terminé sa pente ascendante imprégnée par une phase corrective dans les 2 à 3 prochaines semaines avec un objectif de 1.850 dollars maximum. Il ne s’agit là que du prélude d’un nouveau mouvement haussier qui conduira les cours à un minimum de 2.200 dollars d’ici la fin de 2020, raison de plus pour de nombreux investisseurs de se dépêcher pour prendre le train en marche.

“Les prix de l’or atteindront même 4.600 dollars à long terme”, selon cet expert italien qui a employé deux paramètres pour calculer cet objectif de prix, à savoir l’évolution de la masse monétaire et le taux de couverture implicite de l’or.

Évoquant trois scénarios d’évolution du taux de croissance de la masse monétaire dans une période de 10 ans, Bottaioli a utilisé l’agrégat monétaire M2 (pièces et billets en circulation et dépôts en compte-chèques) considéré moins volatile que les autres agrégats monétaires tels que le MZM (maturité monétaire à zéro, qui inclut M2 moins les dépôts à terme, ainsi que tous les fonds du marché monétaire), tout en utilisant des taux de croissance historiques de M2 sur différentes décennies et en fournissant à ces scénarios une estimation de leur probabilité d’occurrence.

Entre inflation et déflation

Par ailleurs, ce consultant financier de la Banca Consulia en Italie évoque une corrélation inverse entre l’or et le dollar qui semble se diriger, en dehors d’un rebond à court terme, à la baisse pour une longue durée.

En ce qui concerne les investissements sensibles à l’inflation tels que l’or et ses mines, l’argent et les matières premières, l’analyste italien considère que leurs actions ont connu une performance solide l’année dernière et ont même surclassé les grands indices boursiers pour la première fois depuis longtemps.

“Au cours de la crise du Covid-19, le signal d’inflation s’est considérablement affaibli. Les tendances déflationnistes massives ont été contrées par des mesures monétaires et fiscales extrêmes”, estime-t-il, notant que cela concorde également avec une fragilité apparente de l’économie mondiale.

À propos des autres métaux précieux, Bottaioli met en exergue le potentiel monétaire du métal d’argent qui, malgré sa sous-performance récente, va retrouver une tendance à la hausse comme c’est le cas des grands indices des matières premières, surtout avec l’apparition de tendances inflationnistes plus fortes.

Quid de l’or marocain ?

Selon les dernières statistiques du Conseil mondial de l’or (World Gold Council) publiées en août 2020, les dix plus grandes banques centrales du monde détiennent les plus grandes réserves d’or, un classement qui est resté inchangé ces dernières années. Au premier rang arrivent les États-Unis avec plus de 8.000 tonnes d’or en réserves – à peu près l’ensemble des réserves des trois pays suivants dans le classement.

Ces statistiques indiquent également que la Banque centrale russe a été le plus gros acheteur d’or pendant sept années consécutives, augmentant ses avoirs de 274 tonnes en 2018. Le Kazakhstan est le deuxième acheteur et prend la 14e place dans le classement des plus grands avoirs d’or des banques centrales du monde. Quant au Maroc, il se classe au 62e rang en termes de réserves d’or, avec 22 tonnes.

Cette réserve d’or marocain, obtenue avant les années 1970, n’a pas changé depuis des décennies, relève la professeure agrégée d’économie et de géopolitique, Siham Ikhmim, dans un entretien à BAB.

Mettant en garde contre la possibilité de revenir à ce système monétaire dans lequel l’unité de compte ou l’étalon monétaire correspond à un poids fixe d’or à condition d’une libre convertibilité des monnaies en or, la chercheuse en sciences économiques indique que l’étalon-or a déclenché la Grande Dépression en 1929 et a été modifié après la Seconde Guerre mondiale pour faire du dollar américain la principale devise mondiale convertible en or.

Crise ou pas, l’or ne perd jamais de son éclat

La fin de l’étalon-or a été annoncée en 1971 quand le Président des États-Unis, Richard Nixon, décrète unilatéralement l’inconvertibilité du dollar en or ainsi que des mesures protectionnistes, explique l’académicienne, ajoutant que l’échec de l’étalon-or a été dû à l’absence d’une véritable volonté politique et au refus de respecter les règles vertueuses mais contraignantes du système.

Malgré l’abandon de l’or, utilisé pour la première fois comme étalon en 643 av. J.-C., le métal jaune n’a pas perdu de son éclat, car il reste un atout important pour préserver la richesse et mettre à l’abri ses avoirs contre l’inflation, explique l’économiste.

Profondément ancré dans la culture des pays, au moins pour la décoration, l’or est un métal qui reste toujours brillant, très malléable (facile à façonner, en particulier en fines feuilles), ductile (facile à étirer) et inaltérable, ce qui fait de lui un métal très prisé et indémodable. “Si les prix de l’or pèsent significativement sur l’économie américaine et sur celles des pays développés, l’or marocain n’est pas en quantité suffisante pour que ses prix se répercutent sur la bourse nationale. Il s’agit plutôt d’un stock limité qui n’est utilisé qu’en dernier recours comme une solution sûre et certaine pour faire face aux crises”, conclut Mme Ikhmim.

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