À LA UNE

Papier et carton, un secteur qui tient tête à la crise

Par Safaa Bennour

Casablanca- Tiraillé entre effervescence technologique et changement des comportements des consommateurs, le secteur papier et carton au Maroc tient tête à la crise, en dépit d’une conjoncture de plus en plus fragilisée au rythme des effets néfastes de la pandémie.

Il est évident que le déclin de l’utilisation du papier ces dernières années, numérisation oblige, a impacté négativement l’industrie papier/carton de par le monde. Néanmoins, celle-ci a de beaux jours devant elle, avec l’embellie d’autres secteurs, principalement le e-commerce.

Entre une utilisation croissante du papier d’emballage en raison de la montée des ventes en ligne et une forte baisse de la demande de papier graphique, aggravée pendant la crise sanitaire liée au Coronavirus, les segments du secteur papier/carton restent différemment impactés.

Une étude de Coface montre que le papier graphique apparaît comme le segment du secteur papier le plus négativement impacté par la crise sanitaire liée au Covid-19. Cette situation s’est aggravée à cause en grande partie des fermetures d’entreprises et d’écoles qui ont significativement diminué les besoins en papier d’impression. Au contraire, d’autres sous-secteurs ont bénéficié de la conjoncture actuelle.

Le marché devrait se redresser dans les années à venir, notamment grâce à la croissance de certains de ses sous-secteurs et atteindre 1.030 milliards de dollars en 2023.

Approché par la MAP, Tarik Lallouch, secrétaire général de la Fédération des Industries Forestières, des Arts Graphiques et de l’Emballage (FIFAGE), a de prime abord fait la distinction entre deux grands segments composant le secteur papier/carton.

Il s’agit du Papier et carton plat, tributaire d’une matière première dont la majorité n’est pas fabriquée au Maroc et marquée par une forte concentration de nombre d’imprimeurs, soit plus de 2000. Et deuxièmement du carton ondulé, un écosystème presque fermé, car le carton ondulé est fabriqué à 80% de vieux cartons, a précisé M. Lallouch.

L’importation de produits finis reste malgré tout “très présente” sur le marché marocain pour les deux écosystèmes, a fait remarquer M. Lallouch, également Président du Groupement marocain des métiers de l’impression (GMI).

Bien que le secteur papier/carton tente de tirer son épingle du jeu, en dépit de ce contexte peu propice au développement de cette industrie dans sa globalité, il demeure confronté à plusieurs défis.

Pour Mohamed, responsable d’une unité de découpage et de distribution de papier d’impression de différents formats, a relevé que ce segment du secteur fait face à énormément de défis.

Ce professionnel qui a cumulé une expérience de plus de 25 ans dans le secteur, fait ainsi état d'”un manque de fournisseurs, des tarifs douaniers qui s’avèrent les mêmes pour un opérateur qui importe les bobines de papier pour préparer celui-ci, que celui qui importe le produit fini, outre un manque de savoir-faire quant à l’emballage des ramettes de papier”.

Sur tout un autre registre, le segment de l’emballage fait, quant à lui, face à un problème d’adéquation entre offre et demande.

Allal Marrakchi, fondateur et gérant de Youpack.ma, une plateforme de vente de Packaging dédiée aux professionnels du e-commerce, a fait observer que l’explosion du e-commerce a fait que “le besoin en carton a augmenté”. Mais cette hausse de la demande n’est pas sans impact sur l’offre.

Dans une déclaration à la MAP, l’industriel a pointé du doigt particulièrement l’augmentation des prix des matières premières. Mais au-delà du coût, “c’est le problème de disponibilité du papier et carton qui est le plus important”, déplore-t-il.

La pénurie mondiale du carton affecte déjà le Maroc depuis près d’un an, et ses impacts se font notamment sentir sur la disponibilité, les délais de livraison (3 à 4 semaines de plus), ou encore l’augmentation des coûts du transport, a-t-il expliqué.

Par ailleurs, M. Marrakchi a fait remarquer l’existence au Maroc d’un marché de carton d’occasion, une activité jugée “bonne” pour la planète.

Pour sa part, M. Lallouch, interrogé sur l’impact de la pénurie mondiale papier/carton sur le marché marocain, a répondu que “cela dépend de l’écosystème, celui du carton ondulé est moins impacté grâce à une production locale qui a connu une augmentation de la demande suite à une faible concurrence vu le prix du transport international”.

Cependant l’écosystème papier/carton plat, a-t-il nuancé, “est frappé de plein fouet par cette pénurie”. En effet, les différents pays fabricants de ces matières privilégient la préférence nationale et établissent des quotas pour l’export afin de satisfaire leurs demandes nationales mais aussi de permettre à leur imprimeurs d’attaquer les marchés en manque, a-t-il expliqué.

En étant pragmatique, il n’y pas de solution magique à court terme. D’après M. Lallouch, une des mesures qui est en cours d’étude est la réduction des droits de douane sur le carton plat importé de l’Amérique latine ou des pays d’Asie.

Empreint d’optimisme, M. Lallouch a indiqué qu’à long terme, “le ministre de tutelle a exprimé son soutien pour tout investissement dont l’objectif est de satisfaire le besoin national et permettre à l’industrie de l’impression une indépendance qui lui permettrait d’attaquer d’autres marchés”.

Voir aussi:

Transport et logistique: Aramex renforce sa présence au Maroc

Phosphates: les exportations se portent bien

Hicham Louraoui

Maroc-Turquie: vers la révision de l’accord de libre-échange

Mohammed HAMIDDOUCHE