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Perception de la RSE: Entretien avec Radia Cheikh Lahlou

Casablanca – Radia Cheikh Lahlou, directrice du cabinet de conseil en responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et conduite du changement, Declic, et directrice de la plateforme d’innovation durable, les “Rencontres Responsabilité & Performance”, revient dans une interview à la MAP sur les principaux résultats du premier Baromètre de la perception de la RSE au sein des grandes entreprises marocaines et analyse l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur l’adoption des politiques RSE.

1 – Vous venez de lancer le 1er baromètre de la perception de la RSE au sein de grandes entreprises marocaines. Quelles sont les principales conclusions de votre enquête ?

Tout d’abord, il est important de noter que cette première édition du Baromètre réunit des grandes entreprises marocaines pour qui la RSE est aujourd’hui une réalité, à travers des démarches ambitieuses, formalisées et structurées.

Cette première édition a mobilisé l’ensemble du capital humain de chaque organisation participante et ce sont plus de 2.000 voix qui se sont exprimées : Les collaborateurs et collaboratrices ont ainsi partagé leur compréhension de la RSE et le regard qu’ils et elles portent sur des enjeux devenus incontournables pour les grandes organisations marocaines.

Ces contributions sont précieuses à plusieurs égards :

Tout d’abord, nous notons une compréhension mitigée de ce qu’est la Responsabilité Sociale : 46% des répondants identifient que la RSE est la contribution d’une entreprise à un développement durable tandis que 40% estiment qu’il s’agit de l’engagement sociétal (solidarité, dons, soutien à des associations). Cela montre que pour près de la moitié des répondants, la compréhension de la RSE est partielle et doit encore évoluer pour percevoir l’engagement social, sociétal, environnemental et de bonne gouvernance dans sa globalité.

Une majorité écrasante (98%) des collaborateurs et collaboratrices jugent que la RSE est utile à la croissance de l’entreprise, ce qui démontre que le capital humain a désormais conscience de la nécessité de prendre en considération les enjeux du développement durable dans la vision portée par les entreprises.

Enfin, parmi les conclusions très positives du baromètre, nous pouvons noter la forte volonté d’engagement des collaborateurs et collaboratrices : 88% des répondants expriment leur envie de s’engager, notamment lors d’actions sociales ou sociétales. Comme le font certaines entreprises à travers du mécénat de compétence, une partie du temps de travail devient pour les collaborateurs et collaboratrices un temps d’engagement qui renforce la motivation, la cohésion et la rétention des talents.

2- Dans quelle mesure une bonne politique RSE peut contribuer au bon fonctionnement de l’entreprise ?

Le rôle des entreprises dans la société a considérablement évolué lors des dernières décennies. La notion de performance des entreprises, d’abord essentiellement économique, se transforme pour intégrer des enjeux sociaux, sociétaux, environnementaux et de bonne gouvernance. L’aspect économique n’est donc plus le seul reflet de la bonne santé d’une organisation.

Une démarche RSE est le chemin qui mène vers cette transformation. Une politique RSE bien menée est structurante car elle définit une vision et formule des objectifs pour l’atteindre. Cette transformation s’opère bien sûr à des rythmes différents selon les entreprises et la nature des enjeux qu’elles rencontrent. C’est un changement qu’il faut accompagner et c’est aussi ce que nous avons voulu aussi montrer dans le baromètre : le capital humain est le maillon fort de chaque démarche RSE.

La mise en place d’une démarche RSE et sa mise en œuvre ouvrent des champs d’opportunités importants en termes d’innovation durable, d’expérimentation mais aussi de confiance dans les relations de l’entreprise avec ses parties prenantes. C’est donc un vivier d’opportunités qu’il serait dommage de ne pas investir tant les retombées positives sont nombreuses pour l’entreprise en interne comme en externe.

Enfin, il est également important de noter que les investisseurs et les bailleurs de fond sont de plus en plus regardants sur l’engagement des entreprises pour la durabilité. Une entreprise responsable a ainsi toutes les chances d’être une entreprise durable et de développer de fortes capacités d’adaptabilité et de résilience aux enjeux du monde contemporain.

3- D’après le baromètre, 86% des collaborateurs déclarent que la RSE représente un facteur d’attachement à leur entreprise. Comment les organisations, les DRH en premier lieu, peuvent capitaliser sur ce constat et accompagner les collaborateurs dans cette forte volonté d’engagement ?

En effet, la fonction RH est très proche des enjeux RSE, dans le sens où elle concentre l’ensemble des aspects sociaux d’une organisation. Monsieur Rbii, Président de l’AGEF l’exprime parfaitement dans le Baromètre en disant que “la RSE donne à la fonction RH un levier supplémentaire pour renforcer la recherche de la performance durable, individuelle comme collective”.

Le lien entre engagement des collaborateurs et RSE apparaît de plus en plus crucial pour les fonctions RH. Les résultats du Baromètre de la perception de la RSE montrent que les collaborateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux du développement durable. C’est une opportunité à ne pas négliger pour les employeurs, afin de construire une marque employeur forte et renforcer le lien de confiance en interne.

Pour mettre à contribution le capital humain, les fonctions RH disposent de plusieurs leviers :

L’écoute, le dialogue et l’implication des collaborateurs et collaboratrices participent au bon fonctionnement des démarches RSE : la création d’un réseau de relais ou d’ambassadeurs RSE peut participer à une meilleure diffusion de la culture RSE en interne et à la création d’une émulation collective autour de ces enjeux.

Le mécénat de compétence connaît également un engouement important au sein de certaines grandes organisations marocaines : une partie du temps de travail des collaborateurs et collaboratrices est consacré à des actions sociales et sociétales en dehors des murs de l’organisation.

La participation à des actions sociales et sociétales ponctuelles restent les options les plus plébiscitées par les collaborateurs et les collaboratrices qui ont également exprimé d’être plus informés afin d’être mieux mobilisés.

4 – La crise de la pandémie de la Covid-19 peut-elle jouer un rôle d’accélérateur en faveur des politiques RSE ?

Avant la pandémie, les critères ESG (Environnementaux, sociaux et de gouvernance) gagnaient déjà en importance et la crise va très probablement accentuer cette tendance, compte tenu du rôle très important que jouent les entreprises dans la construction d’un monde durable.

Dès le début de la pandémie, nous avons pu voir un engagement fort pour les enjeux liés aux ressources humaines, à la santé et de la sécurité au travail et à la solidarité.

Cependant, afin que cet épisode inédit puisse avoir un véritable impact sur l’engagement des organisations, il est important d’opter pour des approches anticipées et non plus réactives.

Après la prise de conscience de l’importance des enjeux liés à la durabilité, peut-être qu’est venu à présent le temps de la transition.

A l’aune de la pandémie, les entreprises peuvent se demander quel est leur rôle dans leur société, quelle est leur raison d’être, quels sont véritablement les impacts positifs auxquels ils souhaitent participer et à quelles incidences négatives ils souhaitent renoncer.

Afin de relever le défi de la transition durable et démontrer d’un engagement fort, ces enjeux doivent être portées au plus haut des préoccupations des organisations et intégrer leurs visions et stratégies.

Désormais, les questions relatives à la croissance ne peuvent plus être décorrélées des questions relatives à la durabilité.

Voir aussi:

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Yassine Ahizoune