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Prix de transfert, un gage d’équité? décryptage d’un expert

Casablanca – La réglementation des prix de transfert est une obligation légale, mais constitue aussi un gage d’équité pour l’ensemble des acteurs au sein d’une entreprise. Conscient de ce constat, le Maroc a adopté certaines mesures en vue d’harmoniser son système fiscal avec les normes fiscales internationales.

Dans ce sens, Abdelaziz Arji, expert-comptable, auditeur et commissaire aux comptes, jette la lumière sur le cadre réglementaire national régissant les prix de transfert, qui se définissent, selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), comme étant “les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées”.

Selon M. Arji, cette réglementation, qui concerne pour le moment “les sociétés marocaines ayant des liens capitalistiques avec des sociétés étrangères”, répond à plusieurs impératifs, dont une distribution équitable de la richesse d’une entreprise.

“Les entreprises ont toujours utilisé les prix de transfert dans leurs échanges. Quand il s’agit d’entreprises indépendantes, les prix sont libres. Mais quand elles sont apparentées par des liens capitalistiques, les prix pratiqués dans leurs échanges sont souvent subjectifs”, souligne-t-il d’emblée dans une déclaration à la MAP.

C’est pourquoi le législateur est intervenu pour réglementer la fixation de ces prix de cession internes, a poursuivi M. Arji, également président de la Commission appui aux entreprises de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) et fondateur du cabinet Eurodefi-Audit.

Au niveau du Code général des impôts marocain, c’est le “redoutable” article 213 qui pèse comme “une épée de Damoclès” sur les entreprises liées et qui stipule notamment que lorsqu’une entreprise marocaine a directement ou indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées au Maroc ou hors du Maroc, les bénéfices indirectement transférés, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, “sont rapportés au résultat fiscal et/ou au chiffre d’affaires déclarés”.

En vue de cette rectification, les bénéfices indirectement transférés indiqués ci-dessus de l’entreprise concernée sont déterminés par “comparaison avec ceux des entreprises similaires ou par voie d’appréciation directe sur la base d’informations dont dispose l’administration”, précise-t-il.

Par ailleurs, et en vue d’harmoniser le système fiscal marocain avec les normes fiscales internationales, la loi exige depuis janvier 2020 de mettre à la disposition de l’administration fiscale la documentation permettant de justifier leur politique de prix de transfert, à la date de début de l’opération de vérification de la comptabilité (Art. 210).

En 2021, un autre tour de vis est apporté instituant que “toute entreprise ayant un chiffre d’affaires ou dont l’actif brut est supérieur ou égal à 50 millions de dirhams, qui n’aurait pas produit à l’inspecteur cette documentation, sera passible d’une amende égale à 0,5% du montant des transactions concernées par les documents non produits”, note M. Arji, précisant que le montant de l’amende précitée ne peut être inférieur à deux cent mille (200.000) dirhams par exercice concerné,.

En effet, l’ensemble de ce cadre légal et réglementaire a pour objectifs de se conformer au droit fiscal international qui combat l’évasion fiscale, relève-t-il, rappelant, à cet égard, que l’évasion se manifeste par la sous-facturation ou bien la surfacturation des biens et services permettant de localiser les bénéfices dans des pays à fiscalité avantageuse.

Il permet également à l’Administration fiscale d’appréhender les ventes et les achats de ces entreprises sous un angle normé répondant à la notion de prix de pleine concurrence, indique l’expert, ajoutant que la réglementation des prix de transfert vise aussi à éviter aux entreprises des redressements fiscaux du fait soit d’une mauvaise organisation comptable ou bien d’un arbitraire du contrôle.

De surcroît, renchérit-il, ce cadre légal garantit une distribution équitable de la richesse de l’entreprise. “Avec des prix de transfert équitables, chacun trouve son compte : le pays d’accueil de l’investissement collecte un impôt juste, les salariés sont rémunérés à leur juste valeur et les actionnaires minoritaires perçoivent des dividendes raisonnables”, explique-t-il.

A cet égard, notre interlocuteur préconise que les entreprises, toutes tailles confondues et même si elles n’atteignent pas les seuils fixés ci-dessus, “doivent absolument faire l’exercice de préparer la documentation des prix de transfert”.

“Selon notre expérience, cet exercice est l’occasion de mettre à plat ces pratiques souvent établies de manière empirique, pour bâtir une vraie politique basée sur la réalité économique et financière du Groupe”, soutient M. Arji.

Il conseille, toutefois, à ce que le manuel des prix de transfert soit établi par un professionnel qui connait le secteur et qui est capable de se baser sur des comparatifs probants. Ce manuel sera, dit-il, la feuille de route de l’inspecteur pour contrôler les factures des ventes et des achats et des flux entre la société, sa mère et ses sœurs.

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