• Accueil
  • À LA UNE
  • Programme exceptionnel: Entretien avec l’économiste Abdelghani Youmni
À LA UNE

Programme exceptionnel: Entretien avec l’économiste Abdelghani Youmni

Casablanca, L’économiste et spécialiste des politiques publiques, Abdelghani Youmni, a livré un entretien à la MAP, sur les différents enjeux du programme exceptionnel, élaboré par le gouvernement, en exécution des Hautes Orientations Royales, pour atténuer les effets du retard des précipitations. En voici la teneur:

– Comment la sécheresse impacte-t-elle l’agriculture marocaine ?

L’agriculture est le principal contributeur du produit intérieur brut (PIB) au Maroc, à hauteur de 14%, soit environ 168 milliards de dirhams (MMDH). Elle contribue de 1,5 à 2 points à la croissance marocaine et représente 22% des exportations marocaines, soit près de 38 MMDH, doublés depuis la mise en place du Plan Maroc Vert (PMV).

Pourtant, la question n’est plus de savoir si la croissance marocaine reste primaire, mais comment pourra-t-on la rendre plus agro-écologique et moins énergivore ? Et comment peut-on réduire le fort coefficient de corrélation entre sécheresse et rendement agricole ?

La sécheresse de 2020 a détruit 139.000 emplois agricoles et 40 millions d’heures de travail. La part de l’emploi agricole est de 38% dans l’emploi total. Ce phénomène est structurel depuis près de 40 ans, le Maroc subira de plus en plus les effets des changements climatiques avec des saisons agricoles en dents de scie, à cause de l’irrégularité des précipitations et la hausse de température.

– Le programme exceptionnel trouve toute sa pertinence en cette conjoncture marquée par un retard significatif des précipitations. Quel est votre commentaire ?

L’enjeu majeur du programme exceptionnel, décidé par anticipation, est d’atténuer les effets de la sécheresse. Le déblocage de 10 milliards de dirhams (MMDH) vise à protéger le cheptel animal et le capital végétal et forestier pour le volet résilience du trilemme marocain, s’assurer de l’approvisionnement en forages et en blé, pour le volet souveraineté alimentaire et enfin pour le volet solidarité, apporter un appui financier pour financer les arriérés d’emprunts bancaires des petits agriculteurs et l’assurance récolte.

Toute aussi grave, plus de 75% de l’eau utilisée au Maroc est absorbée par l’agriculture. Le ministère de tutelle a indiqué dans un rapport de 2018 que la pluviométrie continuera à baisser de 11% et la température augmentera de 1,3°C.

Face à ce changement considérable et tout aussi progressif, l’équation économique de l’eau mérite résolution tout comme la faible productivité agricole de l’eau au Maroc.

– Comment cette initiative prolonge et complète la stratégie sectorielle de l’agriculture (PMV, Génération Green) ?

Les stratégies et les mesures d’urgence ne peuvent pas être liées et elles ne le sont pas dans ce cas de figure. Le Maroc a lancé en 2016, un plan d’urgence de 5 MMDH pour lutter contre la sécheresse. Ce qui est exceptionnel, est le doublement du montant et son explication réside dans l’agrégation des fragilités microéconomiques et macroéconomiques induites par deux années de crise sanitaire et deux années de sécheresse 2020 et probablement 2022.

Quant au PMV, lancé depuis 2008 et celui du programme de renforcement des chaînes de valeur agroalimentaires, ils ont largement contribué à transformer et diversifier l’agriculture marocaine, en la rendant plus rentable, moderne et inclusive. Ils ont de loin permis de maintenir les fruits et légumes à des prix relativement bas pour renforcer le pouvoir d’achat des ménages.

Les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie “Génération Green 2020-2030” (accès des investisseurs au foncier, mobilisation des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques, soutien aux petits agriculteurs et encouragement des coopératives pilotées par des femmes et par des jeunes pour faire émerger une nouvelle classe moyenne agricole) résument bien le besoin d’une révolution dans le monde rural et reflète une volonté de créer deux locomotives de croissance pour le Maroc, l’une urbaine et l’autre rurale. Mais cette dernière va devoir composer avec les risques d’épuisement de l’eau et les défis environnementaux.

Dès lors, c’est dans la perspective de considérer définitivement l’eau comme une ressource stratégique et de transformer les obstacles du stress hydrique en avantages, que le Maroc va devoir s’inspirer plutôt des pays qui possèdent de grandes composantes agricoles dans leur PIB sans posséder l’eau en abondance.

Voir aussi:

La banque digitale omnicanale, une priorité pour les banques

Karima EL OTMANI

Le crédit bancaire augmente de 3,7% en juillet

Hicham Louraoui

Mastercard: 75% des Marocains ont utilisé au moins une méthode de paiement émergente en 2021

Hassnaa EL AKKANI