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Relance du tourisme interne: 3 questions à un expert

Casablanca – Avec la reprise des activités d’hébergement touristique et des vols domestiques dès jeudi prochain, le secteur national du tourisme s’apprête à entamer un nouveau virage, après un arrêt quasi-total qui a duré près de trois mois, en raison de la pandémie de Covid-19.

Comme première étape du processus de relance de ce secteur clé de l’économie marocaine, le Maroc mise sur le tourisme interne. L’expert en tourisme et développement durable, Hassan Aboutayeb jette la lumière sur le potentiel dont regorge ce segment du tourisme marocain, et décrypte les enjeux liés au développement d’une offre touristique répondant parfaitement aux attentes du consommateur local.

1- Quels sont les défis que le Maroc doit relever pour développer le tourisme interne ?

Il y a effectivement plusieurs enjeux auxquels il faut répondre pour promouvoir le tourisme interne. Le premier à très court terme est, tout d’abord, d’ordre sanitaire. Il faut rassurer la clientèle touristique. Les professionnels sont parfaitement conscients de cet élément et ont pris les mesures nécessaires dans le respect des normes en vigueur. Cela doit être systématiquement mis en place tout au long de la chaîne de valeur touristique car il y a de nombreux intervenants, directs et indirects (aéroports, hébergements, restaurants, cafés, espaces verts, sites culturels et historiques, souks, activités…). A ce titre, le ministère du tourisme va lancer un label qui s’inscrira dans les efforts déployés par le Maroc pour lutter contre le Covid-19.

Le deuxième défi est d’offrir à la clientèle marocaine des produits qui répondent à leurs attentes. Par exemple, 15% à 20% des touristes marocains seulement séjournent dans des formes d’hébergement marchand tels les hôtels. Nous avons beaucoup de marge de progrès. Ce chiffre devrait atteindre au moins 50%.

Depuis le lancement du tourisme au Maroc, on a souvent orienté notre offre à la demande internationale. Quoi qu’il en soit, soyons réaliste, l’été sera difficile vu le contexte.

2- Dans quelle mesure la demande touristique nationale pourrait-elle combler les pertes enregistrées par le secteur?

La pandémie du Covid-19 a affecté le tourisme au Maroc et dans le monde entier. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le nombre de touristes internationaux pourrait chuter de 60 à 80% en 2020. La reprise ne serait envisageable qu’à partir de 2021 au plus tôt. Ce tourisme international représente près de 70% des recettes de l’économie touristique marocaine et malheureusement, le tourisme national ne peut pas combler cette perte.

Toutefois, il peut compenser une partie non négligeable notamment si nous arrivons à satisfaire les attentes de la clientèle marocaine. Je pense par exemple aux marocains qui séjournent chaque année à l’étranger notamment au sud de l’Espagne et en France. Ils possèdent un pouvoir d’achat conséquent avec des dépenses totales de près de 2 milliards d’euros (en 2019) lors de leurs séjours à l’étranger. Il serait par conséquent intéressant de l’orienter dans les différentes régions du Maroc par le biais d’une offre en adéquation avec leurs attentes. D’autre part, il va falloir préparer une stratégie à court et moyen termes pour pérenniser ces flux et drainer d’autres segments de clientèles nationales en parallèle.

3- Comment peut-on adapter l’offre touristique locale aux besoins et au pouvoir d’achat de la clientèle marocaine ?

Il est reconnu depuis longtemps que l’offre touristique marocaine et malgré les efforts déployés par le secteur privé et les pouvoirs publics, ne répond généralement pas à la demande touristique de la clientèle nationale. La preuve en est que plus de la moitié des touristes marocains se dirige vers des structures alternatives : les meublés (appartements ou résidences) ainsi que chez les amis et la famille. Cela est dû à plusieurs raisons notamment le pouvoir d’achat, d’où la nécessité de soutenir les ménages marocains de partir en voyage. Le voyage doit être un droit pour tous les citoyens et la mise à disposition de chèques de voyages et les vacances échelonnées sont des solutions qui ont été proposées de manière récurrente par les professionnels.

Il est nécessaire d’innover en termes de produits et d’anticiper les tendances. Au Maroc, comme ailleurs, nous observons une demande croissante vis-à-vis des voyages immersifs et durables avec le concept bio, beldi, végétarien… En effet, de nature, nous les marocains, nous sommes enclins à un retour aux sources, à nos traditions, à notre art de vivre. Des produits peuvent être lancés au niveau gastronomie car chaque région du Maroc plus particulièrement le milieu rural peut offrir des plats variés, différents produits de terroir.

Parallèlement, un fort besoin de ressourcement se fait sentir. Il est d’autant plus prégnant depuis la pandémie de Covid-19. La demande s’oriente vers le bien-être, pas uniquement le bien-être des SPA mais le bien-être en général : développement personnel, tourisme spirituel, retraite de méditation… Malheureusement, l’offre est encore limitée à ce niveau-là.

Par ailleurs, le numérique est un outil de promotion de l’ensemble des offres touristiques du Royaume. Les actions récentes de l’ONMT, des CRT et des régions sont de belles initiatives pour consolider notre tourisme national. La création de plateformes collaboratives de voyage peut permettre aux Marocains de devenir des ambassadeurs de leur territoire en diffusant des expériences “instagramables” par exemple la plateforme “All Souss Massa” dans la région d’Agadir.

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