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Taux directeur: L’instrument qui “donne le la” à l’économie

Par TAIMOURI Zin El Abidine –

Casablanca- Lorsqu’il s’agit de parler “économie”, le taux directeur est sur toutes les lèvres. Souvent usité, mais parfois mal compris, le plus fameux des instruments économiques et financiers fixe les tendances de la croissance et de la consommation.

Alors que ses effets n’épargnent aucun agent économique et que sa moindre variation implique des conséquences, ce nombre décimal mérite bien d’être décrypté.

Instrument réservé à la Banque centrale

L’une des principales missions de la Banque centrale du Maroc, Bank Al-Maghrib (BAM), est l’élaboration et la mise en œuvre de la politique monétaire avec l’objectif ultime de préserver la stabilité des prix. Parmi une panoplie d’instruments dans sa boîte à outils, BAM dispose en premier lieu du taux directeur.

Concrètement, il s’agit du taux auquel la banque de premier rang, communément appelée Banque centrale prête de l’argent aux banques commerciales ou banques de second rang. De par sa principale fonction, c’est ce taux de base qui détermine les taux sur le marché des capitaux.

Le taux directeur permet ainsi de maintenir le contrôle sur la masse monétaire en circulation pour maîtriser les dynamiques récessionnistes ou inflationnistes. En situation de récession, ralentissement de l’activité économique, la baisse du taux directeur permet de stimuler la croissance. A contrario, il est valorisé en cas de surchauffe pour contenir l’inflation.

L’impact du taux directeur sur l’économie

Comme son nom l’indique, le taux directeur impacte les taux d’intérêt auxquels les banques empruntent de l’argent (taux d’intérêt créditeurs) et ceux auxquels les banques prêtent de l’argent (taux d’intérêt débiteurs), explique l’économiste et spécialiste de politique de change Omar Bakkou.

L’impact du taux directeur sur les taux d’intérêt créditeurs s’opère par le biais du mécanisme suivant : quand la Banque centrale modifie son taux directeur (supposons à la baisse) cela signifie qu’elle s’engage à prêter de l’argent aux banques à un taux d’intérêt réduit. Par conséquent, les banques devront à leur tour baisser le taux d’emprunt des fonds.

Parallèlement, la variation du taux directeur (supposons à la baisse) agit sur les taux d’intérêt débiteurs et donc sur le coût total moyen des ressources bancaires, constituées de ressources gratuites (les dépôts à vue qui sont déposés par les clients auprès des banques à taux d’intérêt nul) et de ressources onéreuses (les dépôts à terme).

Cette diminution du coût des ressources bancaires exerce une pression à la baisse sur les taux des prêts des banques à l’économie (crédits à la consommation, prêts aux entreprises, taux des bons trésors, etc), poursuit M. Bakkou dans un entretien accordé à la MAP.

Et de nuancer que les taux débiteurs pratiqués par les banques dépendent de plusieurs paramètres, notamment le profil de l’emprunteur (prime de risque de non remboursement du crédit), l’échéance du crédit et le degré de concurrentialité du secteur bancaire qui agit sur les marges commerciales.

En affectant directement le coût du crédit, le taux directeur a donc le pouvoir de contrôler les dynamiques macroéconomiques nationales. Sa manipulation peut à la fois stimuler et freiner la croissance selon les dispositions de la politique monétaire et les conjonctures économiques.

Crise sanitaire : Le taux directeur à la rescousse de l’économie nationale

Accommodante et proactive, la politique monétaire initiée par BAM a permis d’absorber les répercussions de la pandémie en réduisant le taux directeur de 25 points de base à 2% puis au taux actuel de 1,5% en juin 2020, rappelle le spécialiste.

Ce taux, qui demeure le plus bas historiquement, constitue une composante importante de la politique “d’aisance monétaire” adoptée par BAM suite à l’arrêt brutal de l’activité économique causé par la crise sanitaire. L’objectif étant pour l’Autorité monétaire de soutenir l’accès au crédit des entreprises et des ménages.

Cette politique comprend une panoplie de mesures destinées à améliorer les ressources bancaires, notamment la libération intégrale du compte de réserves monétaires obligatoires des banques auprès de BAM et l’extension à un très large éventail de titres et effets acceptés par la BAM en contrepartie des refinancements accordés aux banques et l’allongement de leur durée.

Pour soutenir les efforts de BAM, d’autres dispositions ont été adoptées par le Groupement Professionnel des Banques du Maroc (GPBM) dans l’objectif de faciliter la distribution des crédits par les banques pour permettre la sauvegarde des entreprises et maintenir le pouvoir d’achat.

Notant que la GPBM a mis en place un certain nombre d’instruments spécifiques de crédit, M. Bakkou cite, entre autres, les lignes de crédit additionnelles de fonctionnement couvrant jusqu’à trois mois de dépenses courantes et le report des échéances des crédits amortissables et de leasing.

Ces baisses du taux directeur couplées aux autres mesures d’aisance monétaire adoptées par BAM ont permis d’améliorer la situation financière des banques qui a été fortement impactée par la crise sanitaire. Il s’agit, entre autres, de la baisse importante des sources de financement gratuites des banques à savoir les dépôts à vue à la suite des retraits massifs d’argent de la clientèle et de l’augmentation des créances en souffrance.

En matière de transmission des effets de cette politique sur les conditions de crédit bancaire, elle a été plus complète pour les crédits à court terme (comptes débiteurs et crédits de trésorerie) que pour les crédits d’investissement et la promotion immobilière, a fait savoir l’auteur de “La convertibilité du dirham en question : manifeste pour la transition d’une convertibilité désordonnée à une convertibilité ordonnée”.

Cette divergence est due à la conjoncture économique et notamment son impact sur la configuration de la demande de crédits, a-t-il affirmé, relevant que les comptes débiteurs et les crédits de trésorerie évoluent à des niveaux qui sont relativement élevés en période de crise, alors que les crédits à l’équipement et les crédits à la promotion immobilière suivent généralement une tendance baissière.

L’après pandémie …

Suite à l’amélioration de la situation sanitaire dans le monde, une flambée des prix a été constatée. Cette inflation importée est principalement due à une demande accrue contre une offre limitée par des difficultés globales d’approvisionnement. Elle demeure néanmoins maîtrisée grâce au maintien du taux directeur à 1,5% pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens et créer les conditions optimales de la croissance économique.

Dès lors, la centralité du taux directeur comme outil de régulation monétaire n’est plus à prouver. À la fois stimulant de croissance et frein à l’inflation, le taux de la Banque centrale est appelé à jouer un rôle majeur dans la relance économique post-covid déjà amorcée par le Royaume. En attendant la prochaine réunion de BAM, prévue mardi prochain, les spécialistes restent mitigés sur une potentielle revalorisation.

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