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Chèques: 03 questions à l’expert-comptable, Abdelaziz Arji

Casablanca – L’Expert-comptable, Auditeur, Commissaire aux comptes et fondateur du cabinet EURODEFI-AUDIT, Abdelaziz Arji, livre à la MAP son analyse sur l’usage et l’essor du chèque et revient sur le lancement, par Bank Al-Maghrib, du service de centralisation des chèques irréguliers (SCCI).

Pour M. Arji, qui est aussi président de la Commission appui aux entreprises de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), “le chèque a la peau dure, mais sa disparition est programmée”.

L’offre d’un chéquier est le premier geste commercial qui est proposé par un banquier à son client lors de l’ouverture d’un compte. Les cas de refus de cette offre sont quasi-nuls en raison de la gratuité de ce service.

Pourtant, les conséquences de ce geste banal sont insurmontables à cause de la gravité des peines qu’engendrent les abus liés à l’utilisation irresponsable de cet instrument de paiement.

En effet, l’alinéa 6 de l’article 316 du Code de commerce indique qu’est “punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 2.000 à 10.000 DH, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque, toute personne, en connaissance de cause, qui accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie”.

1. Quels sont les risques de l’usage d’un chèque ?

• Le super pouvoir du fondé de pouvoirs:

Dans une société, le Gérant ou le PDG peut outrepasser son pouvoir en délivrant des chèques sans que la provision ne soit disponible sur le compte bancaire de la société. Généralement, le chèque est remis au fournisseur pour garantir une transaction.

A l’échéance, si la provision fait défaut, le chèque est rejeté par la banque et c’est la société ainsi que son fondé de pouvoirs qui se retrouvent solidairement responsables du paiement du chèque.

• Le compte joint:

C’est une formule qui réjouit les couples, tellement elle est pratique. Elle est généralement choisie dans un esprit de solidarité et de partage des obligations financières conjugales.

Mais c’est sans tenir compte de la responsabilité pénale que peut engager un des deux conjoints en cas d’émission de chèques sans provision.

Il est possible au conjoint qui s’estime non responsable de poursuivre l’émetteur des chèques ; quoique la constitution de la preuve est souvent difficile. Cependant, vis-à-vis des tiers, la responsabilité est conjointe.

• Le chèque comme garantie :

Émettre et recevoir un chèque de garantie ou de caution est une pratique “illégale” au Maroc mais qui, malheureusement, persiste encore de nos jours dans les transactions commerciales entre diverses parties. On ne peut pas ne pas citer l’exemple récent de certaines cliniques privées, lesquelles pour prendre en charge les patients covid-19, ont exigé des chèques de garantie.

Or, juridiquement, le chèque est payable à vue. Il n’existe pas un autre usage du chèque que de pouvoir être encaissé immédiatement comme le définissent les articles 239 à 328 du code de Commerce.

2. Récemment, Bank Al-Maghrib a lancé le SCCI. Comment ce service peut-il contribuer à renforcer la crédibilité du chèque, notamment auprès des commerçants et des entreprises ?

Aujourd’hui, accepter une lettre de change, c’est prévoir son rejet à raison de 95%; tellement “la traite” a perdu de sa crédibilité. En revanche, le chèque est beaucoup mieux accepté, voire exigé en raison de son caractère contraignant puisqu’il pourrait conduire son émetteur en prison en cas d’impayé.

Pourtant, à cause de la crise, le rejet de chèques est devenu fréquent. Ce phénomène a été observé même chez les grands comptes eu égard aux tensions sur la trésorerie des entreprises.

Le SCCI, tel qu’il a été présenté au public, est séduisant dans la mesure où il permet de sonder la capacité d’un débiteur à honorer un chèque à l’instant t.

A mon avis, c’est une grande avancée, mais l’efficacité est toute relative. Un compte bancaire peut être déclaré comme suffisamment doté, mais aucune information ne peut être obtenue sur les engagements imminents sur ce compte. C’est le cas de chèques en cours de paiement, des impôts en cours de débit ou encore des salaires en cours de virement.

Ces engagements qui sont programmés avant le chèque que le fournisseur est en train de se faire délivrer par son client, sont prioritaires et peuvent mettre en échec son honorabilité. Dans tel cas, quelle serait la responsabilité de cet organisme qui délivre l’information sur la solvabilité du client ?

3. Avec le développement exponentiel que connaît le paiement électronique et les autres instruments de paiements, comment voyez-vous l’essor du chèque comme moyen de paiement ?

Malgré toutes les sécurités et les technologies que l’on pourrait mettre autour du chèque, cet instrument devrait à mon avis disparaître à long terme, comme c’est le cas dans les pays scandinaves et même en Belgique pour ne citer que ces pays.

L’expérience de la pandémie a poussé plusieurs clients, qui estiment offrir un service ou un produit très demandé ou indispensable, à exiger d’être payés par virement. Les habitudes qui veulent que le fournisseur se déplace chez son client et perde du temps à palabrer et à quémander pour récupérer son chèque ont tendance à disparaître.

C’est ce qui me laisse dire que le chèque continuera à être exigé dans un seul cas: Quand le fournisseur n’a pas confiance en son client. Dans ce cas, le client, incapable d’effectuer un virement faute de provision, aura tendance à remettre des chèques en guise de garantie pour la transaction.

Cette pratique transcende la sphère des transactions commerciales. On la retrouve, par exemple, dans le paiement du solde de tous comptes lorsque le salarié exige d’avoir son chèque entre les mains avant de signer son quitus social.

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