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Institut Groupe CDG : débat autour des conditions de réussite de la métropolisation

Les conditions de réussite de la métropolisation ont été au centre d’un webinaire organisé récemment à l’initiative de l’Institut Groupe CDG.

Cette rencontre avait pour objectif d’échanger autour des conditions nécessaires pour asseoir le développement des métropoles ainsi que leur devenir, indique l’Institut dans un communiqué.

La mondialisation a accéléré la formation de grandes agglomérations qui sont le fruit de concentration de populations, d’activités et de création de richesses, relève la même source, soulignant que ce développement s’est traduit par l’étalement urbain qui gagnerait à être structuré en vue de fabriquer des territoires qui sont un véritable moteur de croissance.

Dans son intervention, l’enseignant chercheur à l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme (INAU), Aziz Iraki, a fait savoir que la métropole consiste en une concentration des pouvoirs politique et financier dans une grande ville donnant naissance à des périphéries qui sont liées au centre, s’interrogeant à ce niveau sur la nécessité de délimitation de la métropole.

De son côté, le directeur du programme POPSU Métropoles à l’Europe des projets architecturaux et urbains (EPAU), Nicolas Maisetti, a distingué trois dimensions de la métropole qui permettent d’établir la distinction entre la métropolisation et les politiques métropolitaines.

Il s’agit d’une première dimension qui est une définition institutionnelle de la métropole c’est-à-dire la métropole comme une forme juridique de coopération intercommunale entre une ville centre et des territoires et des collectivités voisines, la deuxième dimension est fonctionnelle et provient de la géographie ou de l’économie territoriale c’est-à-dire qu’on définit la métropole comme un site territorial qui a plus de relations longues distances qu’avec sa périphérie proche, a-t-il expliqué estimant que selon cette définition Paris aurait plus de relations avec New York qu’avec Saint-Denis.

La troisième dimension, selon lui, considère la métropole comme une politique nationale d’aménagement qui permet d’assurer un équilibre entre les territoires. Ainsi la métropole dans cette triple définition permet de distinguer entre d’une part, la politique de métropolisation axée sur des enjeux et des questions de performance économique et d’attractivité et, d’autre part, les politiques métropolitaines centrées sur la coopération avec les territoires voisins qui ne sont plus appréhendés comme des périphéries, a-t-il dit.

Dans le contexte marocain, Chaymae Belouali, spécialiste en développement urbain à la Banque mondiale, a souligné que la métropole a été cernée il y a une dizaine d’années dans le principe d’unité de la ville qui définit cinq grands pôles à savoir Casablanca, Fès, Rabat, Tanger et Marrakech, à partir d’un seuil de population de plus de 500.000 habitants, notant que ces pôles ont été organisés dans le but de mutualisation de moyens financiers, de politique d’aménagement urbain et de performance urbaine.

Pour sa part, Houssam Oubbad, directeur du développement régional de la région Casablanca -Settat, constate que la métropolisation est considérée comme un processus de concentration de la population, des activités économiques, des capitaux et des équipements structurants dans une agglomération, cependant, il faudrait la différencier de l’aire métropolitaine.

Dans ce sens, Casablanca est une aire métropolitaine c’est à dire une ville de grande taille, capable de concentrer les pouvoirs économique et politique et qui permet de diffuser son fait urbain notamment l’habitat, sur les périphéries, alors que la métropole s’étend quant à elle de Jorf Lasfar à Mehdia, a-t-il déclaré.

Au niveau des constats concernant le phénomène de métropolisation au Maroc, Mme Belouali a précisé que le Maroc connait une forte dynamique d’urbanisation avec des villes qui concentrent environ 60% de la population et 60% des emplois ainsi que 75% du PIB, mais il s’agit d’une urbanisation qui ne produit pas la croissance économique attendue en comparaison avec des pays à niveau similaire.

Connaissant les défis des communes, notamment sur les plans financier et institutionnel, il s’agit de réfléchir sur les moyens pour y remédier, a-t-elle suggéré, soulignant qu’en termes d’appui, il faudrait passer d’une logique de tutelle à une dynamique d’accompagnement aux collectivités territoriales.

Selon, M. Iraki, la métropolisation pose les problèmes issus des délocalisations effectuées à partir d’une grande ville et qui donne naissance à une aire plus vaste qu’il faudrait gérer, ajoutant qu’il s’agit d’assurer une attractivité économique tout en remédiant à l’exclusion sociale qui est créée par la concentration des populations dans les périphéries.

D’après lui, les principaux constats sont d’une part, que la planification des villes est désuète car les territoires recourent souvent aux dérogations et, d’autre part, ceux-ci sont très fragmentés politiquement et qu’il est nécessaire de revoir leur gouvernance.

Pour sa part, M. Oubbad a avancé que les facteurs qui retarderaient l’achèvement du processus de métropolisation de Casablanca ont été relevés par le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT), notant que diagnostic a souligné essentiellement l’absence d’une instance de gouvernance métropolitaine et un besoin d’intercommunalité, la faible convergence entre les politiques publiques et les stratégies, la faiblesse des activités à forte valeur ajoutée, l’explosion du secteur informel, la ségrégation socio-spatiale au niveau des équipements publics et le problème du foncier pour accueillir les investissements.

Pour atténuer ces facteurs de blocage, un programme de développement régional (PDR) a été mis en place, a fait remarquer M. Oubbad, indiquant qu’il s’agit d’un plan d’action qui permet, à partir du SRAT, d’élaborer une planification de projet au niveau territorial.

M. Maisetti a, quant à lui, donné un éclairage des politiques métropolitaines en France, à travers la présentation de la plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU) plus précisément POPSU Métropoles qui est un programme de recherche – action sur le fait et les politiques métropolitaines.

Ce programme de recherche action vise à produire de la connaissance sur les territoires par des équipes de recherche à des fins d’action pour éclairer les décideurs et être utile au débat public. Il s’agit également d’intensifier les liens entre les praticiens, les élus, les services des collectivités, les opérateurs des politiques territoriales et les chercheurs. La troisième force du programme repose sur des études de cas monographiques qui permettent de construire de la comparaison. Le dernier élément du programme POPSU s’appuie sur une volonté de valoriser et de diffuser les résultats tirés des projets de recherche auprès des communautés POPSU constituées d’élus et des décideurs locaux et nationaux.

À la suite de constats, les intervenants ont promulgué plusieurs recommandations, notamment celles avancées par M. Iraki qui relève que face à la fragmentation du pouvoir dans les aires métropolitaines, une des solutions serait de créer une grande collectivité territoriale qui reprendrait l’ensemble de l’aire métropolitaine. Les pouvoirs centraux n’accepteraient pas cette solution car les métropoles, notamment Casablanca, concentrent de grands pouvoirs économiques pour que l’État central délègue à une collectivité territoriale un tel enjeu.

La deuxième solution, selon lui, est de créer, comme cela a été proposé par le Schéma d’Organisation Fonctionnelle et d’Aménagement (SOFA) au début des années 2000, des agences métropolitaines pour les aires métropolitaines et la troisième voie consiste à chercher la solution dans l’intercommunalité, a-t-il dit, estimant qu’à ce niveau, se pose le problème du leadership.

Pour Mme Belouali, pour disposer de métropoles accueillantes avec un niveau de service et de qualité au citoyen, il est nécessaire de recourir à un levier puissant mais qui reste peu exploité à savoir l’amélioration de la fiscalité et des ressources des villes.

Les montants dépensés au niveau des villes marocaines sont cinq fois inférieurs à ceux souhaités, a-t-elle déploré, expliquant qu’il s’agit de mieux gérer et valoriser les ressources et non pas de créer de nouvelles taxes et que par ailleurs, le financement de l’urbanisation est une question qui doit se coconstruire avec des opérateurs du secteur privé.

M. Oubbad a précisé que le SRAT avait émis des recommandations pour la finalisation du processus de métropolisation en préconisant la mise en place d’une politique nationale métropolitaine qui permettra de cadrer aussi bien l’expansion des métropoles actuelles que la naissance de nouvelles métropoles. Dans ce sens, il recommande de procéder à des réformes institutionnelles pour mettre en place une instance de gouvernance métropolitaine qui œuvre dans l’intercommunalité et la solidarité entre les collectivités territoriales.

Pour sa part, Nicolas Maisetti a souhaité donner un regard extérieur par rapport au contexte de la création des métropoles en France, en présentant la trajectoire des politiques métropolitaines. POPSU Métropoles a été lancé en 2018, dans un contexte d’affirmation de la métropole sur le plan institutionnel à travers la loi NOTRE (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) qui date 2015-2016 et en même temps dans une période de forte contestation de la métropole dans la littérature académique et niveau du mouvement social des gilets jaunes en 2017-2018. La contestation provient de cette forme d’égoïsme métropolitain où tout se passe comme si les métropoles sont monstrueuses sur le plan géographique et économique en captant toutes les ressources au dépend des périphéries qui sont délaissées aussi bien par les pouvoirs politiques que par les acteurs de marché.

Le thème du programme visait précisément à essayer de qualifier les relations entre les métropoles, les centres métropolitains et les territoires voisins. Ce travail a permis de conclure à l’existence d’une construction et d’une consolidation des politiques de coopération interterritoriales. Ainsi, au lieu de privilégier les relations de longue distance, les métropoles sont tournées vers les territoires voisins, ce qui a permis de corriger la perception de la métropole.

Le programme a montré le passage de politiques de métropolisation visant la compétitivité, l’attractivité et l’excellence à des politiques métropolitaines privilégiant l’hospitalité, l’accueil, la régulation, le dialogue interterritorial et la redistribution.

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