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Interview avec Jean Paul Servais, président de l’OICV

– Propos recueillis par Zin El Abidine TAIMOURI –

Le nouveau président de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), Jean Paul Servais, a accordé une interview à la MAP, à l’occasion de la Conférence internationale “Global Capital Markets – Expect the unexpected : a trilemma for capital markets” (Prévoir l’imprévisible – un trilemme pour les marchés des capitaux), organisée par l’Autorité Marocaine du Marché des capitaux (AMMC), jeudi dernier à Marrakech, en marge de la 47e réunion annuelle de l’OICV.

M. Servais évoque, dans cet échange, les raisons du choix du Royaume pour abriter cet événement d’envergure internationale, le premier en présentiel après la 44ème réunion qui s’est tenue à Sydney en 2019, ainsi que les principales conclusions des trois jours de travaux de cette réunion. Il livre également son commentaire sur l’importance de l’anticipation des crises et fait le point sur les priorités de l’Organisation.

L’OICV est l’institution de référence pour les régulateurs des marchés des capitaux dans le monde, et collabore avec le G20, le Conseil de stabilité financière (FSB), ainsi qu’avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International qui ont adopté les normes de l’OICV comme référence pour le secteur. L’AMMC est membre du Conseil d’Administration de l’OICV, et préside, depuis 2020, le comité régional “Afrique et Moyen Orient”, regroupant 42 représentants des marchés des capitaux de la région.

1 – Tout d’abord, félicitations pour votre nomination à la tête de l’OICV (…) Le Maroc a accueilli la 47e conférence annuelle de l’OICV. Pourquoi avoir choisi le Royaume comme destination ?

Le Royaume du Maroc est un membre actif de l’OICV et un des pays signataires de la convention de coopération internationale connue sous le nom de l’OICV Multilateral Memorandum of Understanding.

Par ailleurs, l’AMMC, en la personne de Madame Nezha Hayat, est bien représentée à l’international car elle exerce la présidence du Comité régional des pays d’Afrique et du Moyen-Orient qui est un comité au sein de l’OICV qui rassemble un des plus grands nombres de pays.

La place financière marocaine est l’une des plus actives et importantes du continent africain et jouit du dynamisme de la présidente Hayat. Il est donc tout à fait normal que les présidents et représentants des autorités des marchés des capitaux mondiaux se rassemblent ici à Marrakech pour notre 47eme réunion annuelle.

Je tiens par ailleurs à remercier Mme Hayat et tout le staff de l’AMMC pour leur chaleureux accueil et pour la perfection de l’organisation qui a rassemblé plus de 400 personnes venant des quatre coins du monde.

2 – Quelles sont les principales conclusions retenues à l’issue des trois jours de travaux de cette rencontre ?

Un des moments forts de cette édition est ma nomination à la tête de l’OICV par les régulateurs membres de l’Organisation.

Nous avons présenté un programme ambitieux sur les questions de finance durable, de cryptomonnaie et de stabilité financière, et souligné l’importance de renforcer la coordination entre les organismes de normalisation.

Le board a reçu un rapport de la fondation IFRS (International Financial Reporting Standards Foundation) sur les travaux de l’ISSB (International Sustainability Standards Board). Nous avons examiné les progrès accomplis pour assurer la stabilité des fonds d’investissement en période de crise et identifié les principaux axes d’intervention pour la prochaine phase de ce travail.

3 – A peine sortie de la crise pandémique, l’économie mondiale est de nouveau ébranlée par les répercussions du conflit russo-ukrainien. Dans ce contexte de succession de crises, comment les marchés des capitaux peuvent-ils anticiper l’avenir ?

En tant que superviseurs, il nous appartient d’analyser les tendances et risques qui sont susceptibles d’affecter le comportement des agents financiers et donc des marchés. Ces analyses se font au niveau national et international.

Au sein de l’OICV, un comité spécifique (Committee of Emerging Risks – CER) est responsable de l’analyse des risques et permet l’établissement de priorités pour les années à venir.

L’approche pour cette analyse de risques est “bottom-up”, dans la mesure où le CER utilise en grande partie les données qualitatives et quantitatives qui proviennent des comités thématiques et régionaux de l’OICV.

4 – Quelles sont, dans ce cadre, les priorités et les actions de l’OICV ?

L’analyse des risques qui a été présentée lors du comité cette semaine est centrée autour de 4 thématiques.

Nous avons les changements dans la dynamique des marchés de capitaux, notamment les évolutions observées sur les marchés obligataires, des dérivés sur matières premières (due aux tensions géopolitiques), des fonds d’investissement (en particulier la question du levier) et de la finance privée.

Je cite également la thématique de l’innovation financière, caractérisée par les nombreux développements dans le domaine des crypto-actifs et de la finance décentralisée via l’utilisation des technologies des registres distribués.

La troisième priorité concerne la protection des investisseurs dans un environnement en mutation, à savoir un monde de plus en plus digital où ils (notamment les plus jeunes) agissent par eux-mêmes, sans conseil, ou sous l’influence des médias sociaux, via des applications qui peuvent faire usage de techniques spécifiques d’engagement (par exemple la gamification).

Enfin, notre intérêt se porte sur la promotion de marchés ordonnés qui couvre notamment la question de notre rôle face aux risques financiers liés au réchauffement climatique. Un mouvement ordonné nécessite de mettre fin à la fragmentation naissante en matière de standards relatifs aux ESG corporate disclosures.

A ce titre, l’OICV, qui a soutenu la création du International Sustainability Standards Board (ISSB) l’année dernière sous l’égide de la Fondation IFRS, conduira son propre examen de ces projets de normes ISSB, en vue d’informer son endorsement potentielle des normes finales.

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