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Le Ramadan entre spiritualité et consumérisme

Par Abderrahmane SAJI

Si le mois de Ramadan est une occasion de débarrasser le corps des toxines accumulées et de purifier l’âme, il est aussi, paradoxalement, le mois qui connaît la propagation de modes de consommation caractérisés par le gaspillage et l’excès, qui ont des effets négatifs sur la santé mentale et physique des individus.

Malgré la flambée des prix des denrées alimentaires sur les marchés, la consommation atteint des records pendant le mois de Ramadan, en dépit des conseils des médecins et des oulémas appelant les jeûneurs à la modération pour rendre ce rituel religieux propice à la réconciliation entre le corps et l’âme et à l’élévation de l’esprit.

Sans doute, l’exacerbation et la transformation des modes de consommation pendant le Ramadan ont des facteurs, des interprétations et des dimensions psychologiques, sociologiques et physiologiques.

Aux yeux des sociologues, le Ramadan, en plus d’être un rituel religieux et spirituel, est une pratique à dimension festive et sociale qui se caractérise par “l’économie du gaspillage” qui est aux antipodes de l’économie rationnelle basée sur le profit, la rentabilité et la recherche d’équilibre entre production et consommation.

D’un point de vue psychologique, le psychologue Khalid Dahmani a considéré, dans un entretien à la MAP, qu’une consommation excessive pendant le mois de Ramadan correspond à une forme de réaction du système de récompense (“reward system”) dans le cerveau au manque résultant de la non-satisfaction pendant la journée des besoins physiologiques.

Après de longues heures d’abstinence, ce système s’active lors de la rupture du jeûne (Iftar), surtout après la consommation de sucres et de graisses, a-t-il dit, ajoutant que l’Iftar est un moment attendu par le jeûneur pour répondre à ses besoins physiologiques, d’une manière souvent abusive.

Concernant les raisons de cet excès, M. Dahmani a expliqué que le cerveau du jeûneur se focalise sur les besoins physiologiques insatisfaits, notant que les campagnes publicitaires basées sur le neuromarketing (utilisation des neurosciences cognitives pour influencer les comportements des consommateurs) jouent sur cette corde en s’employant à stimuler le système de récompense chez le jeûneur. D’où, selon lui, la fièvre acheteuse constatée dans les marchés et la consommation excessive pendant le mois de Ramadan.

Le psychologue a également noté que malgré les facteurs précédemment évoqués, le jeûneur peut parfaitement contrôler sa consommation, car toute personne dispose d’un système d’autorégulation qui lui permet d’orienter ses comportements en général, et ses habitudes de consommation en particulier, vers la réalisation des objectifs physiques et psychologiques escomptés du jeûne.

A propos de l’aspect spirituel du Ramadan, l’écrivain et chercheur en études islamiques Mohammed Abdelwahab Rafiki a souligné, dans une déclaration similaire, que “le jeûne en Islam, comme c’est le cas dans toutes les religions, est un exercice spirituel qui vise la sublimation et l’élévation de l’âme en s’abstenant des plaisirs auxquels on s’adonne volontiers les autres jours de l’année”.

Et d’ajouter qu’il est naturel que la consommation et les dépenses d’une personne pendant le Ramadan soient bien inférieures à celles des autres mois, de sorte que les objectifs et les finalités pour lesquels le jeûne a été prescrit soient atteints.

Certains, en se gavant de nourriture depuis la rupture du jeûne jusqu’à l’aube, croyant ainsi compenser les heures d’abstinence pendant la journée, ne comprennent pas le sens du jeûne et ne remplissent pas ses objectifs liés à la préservation de la santé mentale et physique, mais compromettent, au lieu de cela, leur santé, leur bien-être et leur équilibre alimentaire.

Rituel religieux important, le Ramadan est aussi une occasion motivante, compte tenu de sa dimension collective et fédératrice, pour adopter des règles alimentaires saines basées sur l’élimination, ou du moins, la réduction des aliments nuisibles afin de préserver le bien-être de l’âme et du corps.

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