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Gestion d’actifs: Interview avec Omar Alami

Casablanca – Le président de l’Association des sociétés de gestion et fonds d’investissement marocains (ASFIM), Omar Alami, expose dans une interview accordée à la MAP, la place et le rôle du secteur de la gestion d’actifs financiers dans la relance économique post-Covid et revient sur la vision stratégique de l’Association à l’horizon 2030.

1. Tout d’abord, pourriez-vous nous présenter l’ASFIM ? Et quelle appréciation faites-vous de l’évolution du secteur de la gestion d’actifs au Maroc ?

L’ASFIM est une organisation professionnelle qui réunit tous les acteurs du métier de la gestion d’actifs financiers au Maroc, en l’occurrence les sociétés de gestion d’Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières (OPCVM). Nous avons fêté ses 25 ans d’existence en 2020 puisque l’Association a été créée en 1995.

La mission de l’ASFIM s’articule autour de la mise en œuvre de tous les moyens favorisant le développement des OPCVM et la promotion de la gestion d’actifs au Maroc (l’une des premières en Afrique) auprès des acteurs concernés localement comme à l’étranger. Elle est ainsi l’interlocuteur privilégié de tous ces acteurs et des pouvoirs publics marocains avec lesquels elle contribue activement à l’évolution de la réglementation notamment. Enfin, L’Association centralise l’information concernant la gestion collective au Maroc au profit de l’ensemble de ses membres.

Concernant l’évolution du secteur, il faut savoir qu’à l’instar de la plupart des pays développés, le Maroc a recours au marché pour financer ses dépenses publiques et ce, depuis le milieu des années 1990 où l’Industrie de la gestion d’actifs a commencé à jouer un rôle non négligeable dans le financement de l’économie. Et depuis, l’industrie a connu une croissance continue. Avec 502 OPCVM gérés, il s’agit aujourd’hui d’un réel vecteur de la collecte de l’épargne et de la dynamisation des marchés financiers.

Pour vous donner quelques chiffres : à fin 2020 l’actif net sous gestion a atteint 523,19 milliards de dirhams (MMDH) ce qui représente plus de 40% du PIB national. Les OPCVM sont les 1ers détenteurs des Bons du Trésor émis par l’Etat et détiennent 60% de la dette privée des entreprises et 29% de la capitalisation boursière flottante.

 

2. L’année 2020 a été une année exceptionnelle et inédite à tous les niveaux. Quel est l’impact de la crise du nouveau coronavirus sur votre secteur et sur la relation client?

C’est vrai que l’année 2020 a été inédite… L’Industrie, après un début de crise difficile, a réussi à rétablir le cap avec l’aide précieuse des décisions prises par l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) et a même continué à collecter de l’épargne tout en aidant à financer l’Etat et les entreprises publiques et privées. Cette résilience est due à la confiance qu’ont les investisseurs (personnes physiques et morales) en l’Industrie et en tous les intervenants du marché financier. Cette confiance s’est consolidée grâce à la transparence des professionnelles de la gestion à travers le maintien régulier du contact avec les clients pour les rassurer, que ce soit de manière directe ou à travers différents reportings.

Je tiens à cette occasion à féliciter toutes les sociétés de gestion pour leur réactivité afin d’adapter leur mode de fonctionnement et leur organisation aux exigences sanitaires édictées par le gouvernement en mettant en place rapidement les mesures de préventions nécessaires et ce, avec l’accompagnement continu de l’AMMC.

 

3. L’année 2021 serait celle de la relance économique. Quel rôle de l’industrie de l’Asset management dans ce sens ?

Depuis le début de la crise, l’industrie de la gestion d’actifs à travers l’ASFIM s’est inscrite dans les efforts pour la relance en collaboration avec les différentes parties prenantes. Nous avons continué à contribuer au financement de l’économie et en parallèle nous avons proposé plusieurs pistes pour la relance avec différentes maturités de réalisation et des “quick wins”.

En 2021, la gestion d’actif poursuivra sa contribution à la relance en collectant l’Epargne et en l’investissant pour financer l’Etat et les entreprises (publiques et privées) à travers le marché de la dette ou de l’action.

 

4. Vous venez de publier votre vision stratégique à l’horizon 2030. Selon vous, sur les dix prochaines années, quels seront les plus grands défis des gestionnaires d’actifs ?

Les plus grands défis identifiés par les gestionnaires d’actifs pour les 10 prochaines années résident principalement dans d’une part, l’exploitation du fort potentiel que représente l’épargne des particuliers (jusqu’à aujourd’hui, la part des particuliers dans l’encours des actifs sous gestion ne dépasse pas les 8%), et d’autre part, l’exploitation du gisement des opportunités au-delà des frontières que ce soit:

– En positionnement le Maroc comme hub régional c’est-à-dire une plateforme d’export de l’offre marocaine de gestion d’actifs et en même temps tremplin pour les investisseurs étrangers qui souhaitent intégrer le marché africain;

– Ou en captant l’épargne des investisseurs étrangers institutionnels et particuliers pour l’investir dans le marché marocain et/ou subsaharien.

 

5. Vous avez également émis un certain nombre de recommandations à même de redynamiser le secteur au Maroc. Quels sont les principaux axes identifiés ?

Il a été déterminé 5 axes qui pourraient permettre de relever les défis identifiés. Le premier axe concerne l’offre de produits à travers l’élargissement de la palette d’OPCVM commercialisés. Cela va des OPCVM thématiques à ceux adossés à des produits bancaires ou d’assurances en passant par les OPCVM en devises étrangères et les ETFs.

Le deuxième axe touche les mesures d’incitations fiscales pour les investisseurs personnes physiques qui pourraient être mises en place pour encourager l’épargne à long terme en OPCVM. Nous proposons notamment, la mise en place d’un abattement fiscal partiel sur les revenus générés par l’investissement en OPCVM, conditionné par l’âge et la durée de détention (comme pour l’épargne retraite), et par un plafonnement du montant investi (comme pour le compte sur carnet).

Le troisième axe couvre la thématique de l’éducation financière et la professionnalisation des acteurs du marché financier. Nous pensons, à l’instar des autorités financières marocaines, que l’éducation financière est un levier majeur de l’inclusion financière, de l’efficacité économique et de l’équité sociale.

C’est ainsi que nous souhaitons étoffer nos actions de communication vis-à-vis du grand public en lançant un certain nombre d’initiatives visant à sensibiliser les épargnants marocains au fonctionnement des marchés financiers et aux avantages de la gestion d’actifs et de l’épargne collective.

En termes de professionnalisation des métiers nous nous inscrivons dans la démarche d’habilitation de l’AMMC en mettant en place des cycles de formation et de préparation des professionnels de la gestion d’actifs aux examens d’habilitation. Enfin, nous préconisons la généralisation de la notation que ce soit des émetteurs aussi bien que des OPCVM et des Sociétés de gestion et ce, pour une plus grande transparence au niveau du marché financier.

Les derniers axes couvrent la modernisation des infrastructures et la promotion de la place financière marocaine. Nous sommes convaincus que le développement et la professionnalisation du secteur passe par sa modernisation et son adaptation à l’évolution des dernières technologies. C’est ainsi que nous proposons de mettre en place de nouvelles méthodes et dispositifs de commercialisation des OPCVM au Maroc à travers notamment l’utilisation du mobile banking, de la technologie des Blockchains et des Plateformes Robo-Advisors.

Enfin, nous devons capitaliser sur les diverses réformes initiées, les récentes évolutions structurelles et réglementaires et les créations de nouveaux outils de placement et véhicules d’investissement, pour promouvoir la place financière casablancaise en partenariat avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème et ce, à travers plusieurs actions que nous pourrons mener conjointement.

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