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Salaires: 3 questions au consultant financier M. Belkasseh

Casablanca – L’universitaire Mohammed Belkasseh, consultant financier chez “Arithmetica Advisory” et professeur à l’Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG) de Settat a accordé un entretien à la MAP à propos de l’écart entre les salaires dans la fonction publique et ceux dans le secteur privé. En voici la teneur:

1. Comment s’explique l’écart qui existe entre le salaire moyen mensuel dans le secteur privé et celui dans la fonction publique ?

L’écart qui existe entre le salaire moyen mensuel dans le secteur privé et celui dans la fonction publique peut être appréhendé dans un premier temps dans le cadre de deux logiques de rémunération distinctes.

La première est nourrie par un paramétrage complexe inhérent à une quête permanente par les opérateurs du monde des affaires de l’optimisation du fonctionnement créateur de la richesse. La seconde, quant à elle, est le sujet d’une pression sociale dans le cadre d’une dialectique régulière entre les mouvements syndicaux et les pouvoirs publics.

En effet, la problématique de l’écart entre le salaire moyen dans l’administration publique et celui dans le secteur privé n’est pas automatiquement liée à un simple ordre de grandeur. Le premier s’établissant en moyenne à plus de 8.000 DH contre environ 5.000 DH mensuels dans le secteur privé. Elle trouverait plutôt son sens en référence à un certain retour sur dépense escomptée de part et d’autre.

Au moment où le salaire d’une recrue du secteur privé est défini, en rapport avec l’offre d’emploi, selon les besoins et les objectifs de l’entreprise, sa marge de profitabilité ainsi que la charge de travail inhérente au poste en question, celui du fonctionnaire est établi conformément à une grille salariale prédéfinie par catégories, selon la nature de l’administration, les différentes échelles, les indemnités subséquentes, etc.

De plus, même après avoir dépassé l’ère où les recrutements dans la fonction publique se faisaient directement sur titre ou en rapport avec des enjeux politiques pour laisser place à une procédure plus réfléchie basée sur un concours, le poste public est toujours perçu comme un droit acquis par tout citoyen détenteur de la reconnaissance académique requise.

Notre pays, compte tenu de sa taille économique, dépense actuellement plus de 34% de son budget général en masse salariale étatique, soit environ 64% des recettes ordinaires de l’Etat.

C’est à ce moment précis que la question de la productivité de la ressource humaine publique comparée à celle du privé trouverait tout son sens. Aussi serait-elle liée à la variable sine qua non d’une vraie politique de contrôle des niveaux de performance.

Le salarié du privé est périodiquement confronté à des objectifs annuels à réaliser. Ne donnant pas satisfaction, il serait privé d’une commission annuelle ou autre avantage et rémunération supplémentaire comme il pourrait facilement être licencié après une faute grave qualifiée par le Droit du travail. Le fonctionnaire, lui, en rapport avec son administration se retrouve naturellement soutenu par tout un corps syndical prêt à défendre sa position au bout d’une analyse minutieuse des éventuelles frictions ayant lieu.

2. Quelles seraient les pistes à explorer pour atténuer cet écart ?

Devant l’ensemble des contraintes socio-économiques que nous vivons actuellement marquées par une concurrence rude entre les économies du monde, l’approche économique assurant la croissance via l’encouragement de l’initiative privée a remis plus que jamais au grand jour les best practices managériales d’optimisation des coûts et de création de la valeur ajoutée significative et durable.

Les pratiques d’optimisation et d’amélioration continue inspirées du business ont déjà profité à d’autres formes de l’action humaine comme la philanthropie dans le fonctionnement des organisations à but non lucratif ou la renaissance du mouvement environnemental proposant désormais d’intéressantes approches pour l’investisseur lui permettant d’être profitable tout en respectant l’environnement.

Le secteur public, sous d’autres cieux, a aussi adhéré au même paradigme susvisé. Et ce, en repensant l’administration publique non seulement en tant que centre de coût inévitable à vocation sociale par excellence, mais aussi en tant qu’acteur majeur de création de la richesse.

Nous rappelons à ce stade les Hautes Directives Royales de Sa Majesté le Roi Mohammed VI incitant au redressement des institutions et des entreprises publiques pour en faire un levier et non un obstacle à la croissance.

De ce fait, nos écosystèmes socio-économiques adopteraient une vision commune prônant le développement du pays de la même façon que l’on positionne dans le secteur privé ou bien dans celui public. L’écart en termes de rémunération de la ressource humaine qualifiée s’atténuerait alors qu’elle intervienne dans une entité publique ou bien privée.

3. Quels sont les effets économiques d’une révision à la hausse du salaire minimum ? Est-il toujours bénéfique de procéder à son augmentation ?

La révision à la hausse des salaires peut très bien sembler être une vraie solution dans le cadre d’un programme de relance économique. En d’autres termes, une augmentation des revenus entraînerait simultanément une augmentation de la consommation, accompagnée d’un accroissement de l’investissement financé par le biais notamment de l’épargne.

Cependant, dans le contexte marocain, une hausse soutenue des niveaux des salaires ne nous mènerait pas directement vers le cercle vertueux susvisé. Elle s’avérerait une arme à double tranchant en référence à deux optiques primordiales dans n’importe quelle politique économique, à savoir: la consommation et la production.

D’abord, au moment où les niveaux de consommation exploseraient compte tenu des subventions étatiques, notre production peinerait à suivre le même trend en l’absence d’une vraie politique d’investissement créateur de suffisamment de valeur ajoutée sur le territoire national.

Autrement dit, nous nous retrouverons en train de financer l’économie d’un autre pays plus compétitif puisque le citoyen marocain consommerait de l’étranger ce qu’il ne trouvera pas sur place.

Par conséquent, le problème se prononcerait davantage par rapport à nos réserves de change. Notre monnaie accuserait une dépréciation à même d’handicaper le processus de l’importation.

Ensuite, une augmentation des salaires est aussi synonyme d’une augmentation du coût de la main d’œuvre locale. Cette dernière est une variable-clé dans n’importe quel plan d’affaires. En ce faisant, notre économie perdrait petit à petit son attrait de l’investisseur national soit-il, ou bien étranger.

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