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Faux commentaires: l’avidité inavoué des E-Commerces

-Par Oufkir Hassiba-Soufya-

Rabat – Annonces frauduleuses, produits qui ne sont jamais livrés et retraits abusifs sur les cartes bancaires. Rien n’arrête les escros 2.0 qui se nourrissent des “bons deals” et des promotions exceptionnelles pour gonfler leurs comptes en banque.

Les fraudes sur internet existent depuis la création de ce monde virtuel. Cependant, ces pratiques criminelles ont pris une dimension alarmante à la faveur des réseaux sociaux et de ce qu’on appelle les influenceurs. Ces nouveaux ambassadeurs de marque qui conseillent et proposent des produits qu’ils n’ont pas toujours essayés et dont la qualité n’est pas toujours à la hauteur des attentes.

Afin d’augmenter leurs chiffres d’affaires, des sociétés spécialisées dans la vente en ligne sont prêtes à payer pour être mieux notées par les sites de comparaison des produits, tant au niveau de la qualité que du prix.

Mieux encore, ces sites de e-commerces sont disposés à faire appel à des intermédiaires pour organiser le remboursement d’achats en échange de commentaires élogieux.

Les sites de commerces 2.0 se distinguent par le nombre d’étoiles et les commentaires que les utilisateurs laissent sur leurs sites ainsi que les différentes plateformes qui comparent le rapport qualité du service/prix de ces derniers. Suite à cette notation, l’indexation du site sur les moteurs de recherche et comparateurs change.

Plusieurs spécialistes ont mené des enquêtes sur le sujet, en étudiant le comportement des clients et acheteurs en fonction des commentaires et de la notation, afin de déterminer l’impact et l’importance de celle-ci sur le comportement du client et ses tendances de consommation.

Le résultat de l’enquête est tombé sans appel. Le client fait un transfert et se sent rassuré lorsqu’un site ou une marque reçoit beaucoup de commentaires, publie des photos réelles de ses produits, envoyés par des clients ‘satisfaits’ et dispose d’un service clientèle actif.

Après plusieurs procès et réclamations, ces sites ont décidé de renforcer leur politique de vente et de retour sur expérience. Booking et Airbnb collectent les avis seulement après que vous avez payé la nuit et que l’hébergeur a validé votre check-in. Une méthode qui a fait ses preuves mais reste toujours sujet à de multiples débats. L’Homme trouve toujours un moyen de détourner la machine à son profit.

Certains professionnels de l’hôtellerie s’auto-enregistrent et règlent la facture à Booking pour pouvoir publier un avis qui fera remonter leur note et donc améliorera leur rating. Toutefois, la pratique étant assez coûteuse, elle n’est pas très répandue, vu qu’il faut se connecter depuis un ordinateur différent, et changer de carte bancaire chaque fois que l’on veut publier un faux avis.

Franceinfo a mené une enquête en infiltrant un groupe nommé “AMZ” et porte comme photo la flèche du logo Amazon sur Facebook.

Il découvre un fil, submergé par des photos de produits vendus sur Amazon : des souris et des écouteurs, des produits de beauté, des articles de sport, accompagné du nom du produit et la phrase suivante :”PP 100% refund”, qui signifie “remboursement intégral par PayPal”.

Des intermédiaires qui laissent des faux commentaires sur des produits, en contrepartie d’un remboursement intégral.

A ce stade la question qui se pose est surtout dans quelle mesure ces pratiques sont-elles légales ?

En 2016, Amazon avait interdit cette pratique qui se développe dans un environnement où il est de plus en plus difficile d’imposer un quelconque type de censure ou de mesures restrictives.

La perte de confiance renforcée par le manque de professionnalisme de certains services clientèle renforce les méfiances d’un nombre non négligeable de clients.

“Notre étude suggère que les faux commentaires concernent surtout des produits qui semblent être de moins bonne qualité, parce que nos données montrent que dès que les vendeurs arrêtent de rembourser des commandes, la moyenne des notes de leurs produits diminue de manière significative.”, soulève Davide Proserpio, professeur assistant en marketing, University of Southern California et un des chercheurs californiens qui ont travaillé sur ce sujet.

Amazon, qui est un des pionniers de l’e-commerce, analyse chaque semaine dans les 10M de commentaires, en faisant appel aux meilleures pratiques dans le domaine de l’intelligence artificielle et du machine learning. Ces efforts restent honorables mais vains face à la mauvaise foi de ces vendeurs de rêves.

Au Maroc, l’arsenal juridique mis en place est essentiellement focalisé sur la cybercriminalité, comme domaine qui regroupe autant la fraude numérique que l’abus de confiance et la manipulation qui font fureur sur les sites de vente en ligne marocains.

Ceci dit, l’inculpation est conditionnée par le dépôt d’une plainte, chose qui est rarement effectuée par des jeunes qui ne sont pas conscients de la dangerosité du monde numérique et manquent d’éducation 2.0.

L’Italie a déjà condamné un fraudeur récidiviste à un an de prison ferme. En France, quiconque publie un faux avis contre de l’argent encourt jusqu’à 1,5 million d’euros d’amende.

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